L'inauguration prochaine de la série d'audiences du Ramadhan, jamais officiellement annoncée, vient prolonger d'un mois au moins le suspense au sujet de la formation du nouveau gouvernement. Ce rituel sans fondement institutionnel constitue l'une des rares pratiques jouissant d'une scrupuleuse ponctualité. Peut-être est-ce justement parce qu'elle ne constitue pas une contrainte constitutionnelle mais l'émanation de l'autorité personnelle. L'exercice illustre la nature autocratique du régime, renforcée par la révision constitutionnelle de 2008 : le Premier ministre n'ayant plus de programme, les ministres sont individuellement responsables devant le Président. Et devant le Président seulement, puisqu'il n'y a plus de Premier ministre appliquant le programme de “la majorité de gouvernement". Le Président faisant aussi office d'organe de contrôle du gouvernement, à quoi servent les parlementaires ? À voter les lois dont l'Exécutif a besoin pour légaliser son action. Les responsables politiques “de la majorité" se cachent derrière les “prérogatives du Président" quand on les interpelle sur l'horizon du remaniement ministériel. Pourtant, les prérogatives, pour réelles qu'elles soient, ne sauraient contredire cette espèce de jurisprudence républicaine qui fait, par exemple, qu'après une élection législative, on refait nécessairement le gouvernement, même si on doit reprendre les mêmes. D'ailleurs, tout l'Etat s'est progressivement organisé pour gérer l'indécision. Ainsi, par exemple, un directeur de communication du ministère de la Poste et des Nouvelles technologies se trouve contraint d'annoncer que, finalement, “aucune décision n'est prise pour le moment" au sujet de la 3G. Le problème n'est pas, ici, dans le fond de la question ; nous savons que nos responsables ne sont pas adeptes du changement, surtout si ce changement constitue un acte de progrès. Nous avons, en gros, la même Poste que celle de 1962. Même la forme des cachets n'a pas évolué ! Non... Le problème est dans le fait qu'un ministère, dont le ministre avançait, le 16 mai dernier, que “le cahier des charges relatif à la 3G ainsi que les trois opérateurs de la téléphonie mobile sont prêts pour le lancement de cette technologie", se rétracte ensuite sur une question aussi importante et annonce, avec une certaine légèreté, qu'il n'y a finalement rien de concret dans le sens de l'accès à la 3G... Et comme pour illustrer l'estime dans laquelle est tenu l'usager, le directeur ajoute que nous en saurons plus “en temps opportun". Mais “le temps opportun" est passé ! La 3G a été mise au point en 2002 et est opérationnelle depuis 2010 en Tunisie, et depuis... 2006 au Maroc ! On devrait donc sagement attendre qu'on nous dise si on doit communiquer avec le langage de la fumée, par les pigeons voyageurs ou sous 4G ! C'est tragique qu'un Etat, ayant vocation à réduire l'incertitude sur l'avenir de ses citoyens en soit réduit à aggraver, par son inaction, cette incertitude. Ce type de message sur les “prérogatives du Président", le “temps opportun", etc., vise à désarmer la contestation de cette panne organisée. La non-décision s'est érigée en forme d'expression de l'autorité de décision. Par un étrange mécanisme, le pouvoir désarme toute virtuelle réaction à cette ruineuse mise à l'arrêt du pays. M. H. [email protected]