Depuis le séisme du 21 mai dernier, l'architecte a fait l'objet de critiques acerbes de la part de nombreuses personnes entre gouvernants et gouvernés. Ils estiment qu'il est à l'origine de tous les dégâts occasionnés par le tremblement de terre. Eu égard à son rôle prépondérant dans l'acte de bâtir, tous les yeux ont été braqués sur cet expert après la catastrophe. Pourtant, il ne représente qu'un maillon, certainement pas le plus faible, de la chaîne des responsabilités. Cette problématique est, selon les professionnels, due à une mauvaise interprétation des lois qui régissent la profession. Les juristes avouent que les textes sont obsolètes, inadaptés et inapplicables. L'exemple le plus concret reste la dilution des responsabilités après le séisme. Or, dans pareille situation, il est plus qu'impératif de situer les responsabilités des uns et des autres. “C'est un problème de définition de missions de tout intervenant dans la construction”, dira un architecte au cours de la rencontre-débat organisée, hier, par le Collège national des experts architectes (CNEA) à la citadelle Ksar El-Bey. à l'unanimité, les participants sont arrivés à la conclusion qu'il y a une mauvaise application des textes de loi. “Ces lois sont souvent ignorées par les responsables concernés”, ajoutera un autre intervenant. Ainsi, les missions de l'ingénieur, chargé de la stabilité de l'ouvrage, du géotechnicien à qui on confie l'étude du sol (plus de 80% des effondrements suite au séisme sont dus à la nature du sol)… doivent être redéfinies à travers des lois qui s'imposeront à tous les acteurs qui interviennent dans la construction. Incriminé pour les erreurs commises, l'architecte, souligne-t-on, ne peut toutefois être responsable de tous les CES (corps d'Etat). Il doit, en revanche, bénéficier de son droit à la propriété intellectuelle. Le maître d'ouvrage est, lui aussi, fautif dans d'innombrables projets. Il demande souvent l'avis du sismologue après avoir effectué les travaux de terrassement et des fondations… Les grosses failles qui “guettent” le Grand-Alger ne doivent pas laisser indifférents les pouvoirs publics en ce qui concerne, notamment, l'étude du sol. Pour cela, les clivages qui caractérisent les relations entre ingénieur et architecte doivent être dépassés. “Qu'il y ait une réconciliation pour un travail plus cohérent et complémentaire”, précisera un des experts. “Arrêtons de se jeter mutuellement les réprimandes”, ajoutera-t-il. Il est grand temps de redonner à l'architecte son rôle qui lui sied, à savoir celui de bâtisseur-artiste qui ne s'intéresse pas aux aspects qui ne le concernent pas. Un autre volet et non des moindres a été également abordé lors des débats. Il s'agit de cette tendance à lancer des programmes de logements dans l'urgence, posant, encore une fois, le problème de l'émergence de cités-dortoirs. “À cause de ces réactions urgentes et intempestives, notre pays est devenu moche !” affirmera, intransigeant, un autre participant. Son collègue revendique la création d'un guichet unique de la construction tout en respectant toute la chaîne de l'édification dont le premier maillon n'est autre que le lieu où sera concrétisé le projet. Par ailleurs, pour mieux sensibiliser les responsables quant à leur cause, les architectes organiseront les 22 et 23 mars une autre journée d'étude à laquelle seront invités les députés. B. K.