Le seul CAC opérationnel à l'Est, celui de Constantine, prend en charge les patients d'une région qui compte plus de 15 millions d'habitants ! Outre le manque de lits, les médecins notent aussi l'indisponibilité du matériel. La 8e édition des Journées internationales de cancérologie de Constantine, qui s'est tenue du 12 au 14 octobre au palais de la culture Malek-Haddad, a été consacrée cette année aux cancers thoraciques qui représentent, selon les statistiques, 40% des cas de cancer. Organisé par l'Association algérienne d'oncologie médicale (Saom), ce rendez-vous annuel a vu la participation d'éminents professeurs et spécialistes américains, français, belges et jordaniens, mais a été aussi l'occasion de faire le point sur la prise en charge des malades dans notre pays. En dépit de l'engagement de l'Etat à lutter contre cette maladie et à débloquer les moyens humains et financiers, les centres de soins anticancéreux sont loin de répondre aux normes, constatent les médecins rencontrés sur place. À titre d'exemple, le seul CAC opérationnel à l'Est, celui de Constantine, prend en charge les patients d'une région qui compte plus de 15 millions d'habitants ! Outre le manque de lits, les médecins notent aussi l'indisponibilité du matériel. En effet, trois accélérateurs neufs dorment dans des cartons en raison du ralentissement des travaux d'aménagement des bunkers devant accueillir ces machines. On se souvient, au mois de juin dernier, de la visite en catastrophe de l'ancien ministre de la Santé Ould Abbas, qui avait promis de régler le problème et de débloquer les accélérateurs en question qui étaient immobilisés au port de Skikda. Mme Djamaâ, responsable du service radiothérapie du CAC, nous parle ainsi de ces lenteurs administratives : “Les accélérateurs sont en souffrance, les trois salles ne sont pas prêtes. Ils ne s'y sont pas pris à temps, les travaux ont commencé puis ont été arrêtés. Le matériel est sur site depuis un mois et demi, mais l'aménagement des bunkers tarde. Pour des raisons qu'on ignore, l'entreprise chargée du projet a interrompu les travaux plusieurs fois. ça dépend donc du CHU." CAC de Constantine : 6000 malades n'ont pas obtenu de rendez-vous Questionné au sujet des malades qui peinent à avoir un rendez-vous pour faire une radiothérapie, le Pr Djamaâ nous donne des chiffres inquiétants sur la situation. “Il y a 6000 malades en attente enregistrés en 2011-2012, et il n'y a eu que 1050 malades qui ont pu décrocher un rendez-vous pour faire une radiothérapie", dénonce-t-il. Et de poursuivre : “C'est pourquoi la plupart partent à l'étranger. Beaucoup sont en train de mourir. Même les chantiers de l'extension du centre de radiothérapie sont à l'arrêt. En principe, il y a 5 à 6 machines pour un million d'habitants, mais en Algérie c'est 10 machines pour 38 millions d'habitants." Pour sa part, le président de la Saom, le Pr Bouzid, considère qu'il est temps de faire bouger les choses, au sujet des accélérateurs en souffrance au CAC. “Les contraintes bureaucratiques ont été levées, il reste cependant des problèmes techniques. Il faut 6 à 9 mois pour mettre en marche les accélérateurs, et ils devraient être fonctionnels d'ici mars 2013. Pour ce qui est de la disponibilité des médicaments et des drogues, l'Etat a fait son travail, c'est la distribution et certains médecins qui sont responsables de la pénurie", dira-t-il. Concernant la non-mise en service des centres anticancéreux de trois wilayas de l'Est, Annaba, Sétif et Batna, qui sont pourtant prêts, le Pr Bouzid est outré par l'inertie des autorités sanitaires locales, coupables, selon lui, de cette situation. “Les DSP et les directeurs d'établissement sont responsables de la situation. À Annaba, nous avons commencé en 1999 et nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi le centre est jusqu'à ce jour fermé. Même chose pour les centres de Batna et de Sétif. Il y a aussi la responsabilité individuelle des médecins praticiens qui ne travaillent pas. Avec un bac + 12, ils sont affectés dans d'autres wilayas mais n'y vont pas. Ils sont payés un mois de salaire comme ceux qui travaillent réellement, mais ils n'y vont qu'une fois par semaine. J'ai signalé ce problème pas plus tard qu'hier au ministre, je les ai appelés les inter-mi-temps du spectacle", a-t-il déclaré. L'irresponsabilité et l'indifférence de certains médecins poussent le président de la Saom à conclure que “ce sont les DSP et les directeurs des CHU qui doivent sévir contre ceux qui travaillent 4 jours par mois. Si on avait la volonté de faire son travail, tout irait bien. Cela s'est généralisé, c'est valable dans tout le pays. La solution est simple : il faut révoquer ces gens, qu'ils aillent faire du marché informel ! Concernant la pénurie des drogues, nous leur avons dit de faire leurs prévisions, accepter les malades et ne pas recourir aux listes d'attente. La balle est dans le camp des médecins. Ce qui se passe est scandaleux." Par ailleurs, un radiothérapeute que nous avons rencontré lors du salon nous a révélé que, concernant l'investissement privé, il subsiste toujours le problème d'obtention d'agrément. Sur 7 demandes, seules 3 ont été accordées, dont le centre qui a ouvert récemment à Blida. Selon lui, il y a deux obstacles qui entravent cette activité : l'absence de textes et le blocage au niveau de la Cnas qui ne peut, pour le moment, rembourser les séances de chimiothérapie. D B.