Le prélude d'une menace terroriste se fait de plus en plus ressentir en Tunisie. Tous les ingrédients sont là pour prédire cette éventualité. C'est plus qu'une évidence. L'opposition ainsi qu'une bonne partie de la société civile craignent le pire dans les mois à venir tant l'insécurité et la circulation des armes sont de mise. Alors que le président de la République, Moncef Marzouki, affirme n'avoir pas mesuré, ainsi que le gouvernement, “à quel point les salafistes jihadistes pouvaient être violents et dangereux" en Tunisie. M. Marzouki, qui a donné une interview vendredi à la revue britannique The World Today, a dénoncé le trafic d'armes en Afrique du Nord, source d'insécurité dans le contexte de l'occupation du nord du Mali par des islamistes extrémistes armés. “Des quantités d'armes ayant appartenu au régime libyen sous Kadhafi sont passées aux mains des islamistes non seulement en Libye, mais aussi en Algérie et en Tunisie", a averti M. Marzouki. Pour le président de la République tunisienne, le danger vient en particulier de ceux qui “se rendent au Mali pour s'entraîner au jihad, comme en Afghanistan, pour retourner ensuite en Tunisie". “Le rétablissement de l'ordre au Mali sera un enjeu principal pour la diplomatie tunisienne durant les trois prochaines années", a-t-il souligné. Il est à rappeler que Tunis s'oppose à une solution armée au conflit dans le nord du Mali, une région tombée fin juin sous le contrôle de trois groupes islamistes armés, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Dans le même sillage, le président tunisien a indiqué avoir été “surpris, tout comme le gouvernement" par l'attaque de l'ambassade américaine le 14 septembre à Tunis par des extrémistes protestant contre un film islamophobe. “Nous n'avions pas mesuré à quel point les salafistes jihadistes pouvaient être violents et dangereux", a-t-il dit. “Nous avons sauvé la vie à l'ambassadeur (...) mais l'image de la Tunisie a été sérieusement endommagée aux Etats-Unis et en Europe", a déploré M. Marzouki. Selon lui, les salafistes jihadistes ne représentent qu'une “petite minorité dans une petite minorité". Ils “ne peuvent constituer une menace pour la société ou le gouvernement, mais ils peuvent être nocifs pour l'image du gouvernement", a-t-il expliqué. Ennahdha ne semble pas être dans la ligne de mire de Marzouki. Puisque ce dernier a encore défendu son alliance avec le parti islamiste Ennahdha, estimant que la Tunisie “avait la chance" d'avoir des islamistes modérés, en référence au parti majoritaire à l'Assemblée nationale constituante (Anc) et qui gouverne le pays avec deux partis de centre-gauche (CPR et Ettakatol). “Le centre doit tenir le coup", a-t-il insisté. Sur le retard pris dans l'élaboration de la Constitution, M. Marzouki a évoqué “plusieurs divergences". “Nous devons nous trouver un consensus sur la nature du régime", a-t-il ainsi déclaré. Les islamistes souhaitent un régime parlementaire, le centre et l'opposition un régime mixte. Et il faudra ensuite “discuter de la loi électorale, ce sera sans doute plus problématique que la Constitution elle-même", a prévenu le président. “Tous les investisseurs locaux et étrangers attendent la nouvelle loi fondamentale et un nouveau gouvernement, alors que la situation empire de jour en jour" sur le front socioéconomique en Tunisie, a admis le président, avant de lancer : “Nous devons nous dépêcher (...) Le peuple sortira dans la rue si on ne lui redonne pas l'espoir de vivre mieux !", a-t-il lancé. I. O.