Dans cet entretien, cet expert de Suez Environnement aborde les résultats du contrat de gestion du réseau de distribution d'eau de la capitale et explique la finalité du transfert de savoir-faire par le groupe français. Liberté : Quelle a été l'évolution de la Seeal depuis 2006 ? Jean Jahn : Le premier contrat de management signé en 2006 était une espèce de poisson pilote, de cas d'école choisi par les autorités algériennes pour être testé sur la capitale. Il convient avant tout de noter que la Seeal est une société de droit algérien détenue à 70% par l'ADE et 30% par l'ONA, pour booster la modernisation du service public, portée aux standards internationaux. L'objectif fixé était d'assurer l'accès des habitants d'Alger à l'eau H24. L'Algérie a fait appel à Suez Environnement, qui fait partie du groupe français GDF Suez. Suez Environnement a une expérience de gestion des services publics. Trois grands objectifs étaient assignés à Suez Environnement dans ce contrat de management : la mise à niveau des stations de traitement et de pompage, l'accès de la population à l'eau H24, prendre en charge de manière qualitative les services d'assainissement afin d'améliorer la qualité de vie des habitants d'Alger. En un mot, offrir des services aux clients aux standards internationaux. La Seeal a la responsabilité de la gestion de l'eau et de l'assainissement sur le périmètre d'Alger-Tipasa. L'ADE a conclu un contrat de management avec Suez Environnement pour gérer la Seeal. Suez a mis à la disposition de Seeal un directeur général et 27 cadres expatriés de la compagnie française dans l'objectif de mettre à niveau la distribution et l'assainissement, le réseau clientèle et les installations. L'Etat algérien a réservé une capacité d'investissement de l'ordre de 35 milliards de dinars dont à peu près 80% ont été consacrés à la remise à niveau des installations (réhabilitation des stations de pompage, rénovation du réseau). Parallèlement, un véritable transfert de savoir-faire s'est opéré, de renforcement des compétences des cadres algériens pour maintenir à long terme la qualité des prestations. La finalité est d'autonomiser la gestion, qu'elle soit à terme purement (totalement) algérienne. Pouvez-vous présenter les résultats du premier contrat de management 2006- 2010 ? Le H24 a été atteint dans l'ensemble de la wilaya. Le H24 est le fruit de la consolidation du management entre la Seeal et la direction des ressources en eau de la wilaya d'Alger. Cette dernière a accompli son travail : le renouvellement du réseau de distribution existant et la réalisation de nouveaux ouvrages hydrauliques. Les deux ont coordonné leurs efforts pour parvenir à ce résultat. Je relève 4 clés du H24 : mobiliser les ressources de l'Etat est stratégique pour Suez Environnement, les transferts d'eau à partir des barrages de Keddara (450 000 m3/jour traités à Boudouaou), la distribution notamment à travers la remise en état des stations de pompage, car il ne suffit pas d'avoir de l'eau, encore faut-il fournir un travail de normalisation, de régulation, de rénovation d'un réseau de 3 500 kilomètres. Le taux de fuite était de 40 % en 2006. On a amélioré les choses. On atteint aujourd'hui moins de 30% de fuites. Quatrième clé : la lutte contre les pertes ou déperdition d'eau. Nous avons réhabilité ou renové 250 kilomètres de réseau. Si on continue en avançant entre 50 et 80 kilomètres par an ou 1 à 2% par an, on aura normalisé la situation en 2025 à travers l'effort d'investissement. On répare 22 000 fuites par an. La Seeal utilise des systèmes acoustiques pour tenter de déterminer les fuites invisibles. On dispose également d'une cartographie du réseau de distribution de l'eau potable à Alger. Comment évoluera l'offre-demande en eau à Alger à moyen-long terme ? Depuis 3 ans, la demande commence à s'accroître entre 1% à 2% par an. Nous fournissons aujourd'hui à la capitale à raison de 1 million de m3/jour d'eau : 50% proviennent des barrages (Keddara, Taksebt, Bouroumi, Boukourdane), 25% des forages et 25% du dessalement d'eau. Cette demande va se stabiliser à terme. Le citoyen algérien consomme en moyenne 180 litres par an d'eau. Depuis le H24, les ménages, de façon générale, ne consomment pas avec modération l'eau potable. La Seeal compte lancer une campagne de sensibilisation en vue d'une consommation plus rationnelle de l'eau. Pour la satisfaction des besoins à long terme des habitants de la capitale, on pourrait recourir à plusieurs sources d'alimention en AEP en cas de besoin : l'usine de dessalement de Cap Djinet : 200 000 m3/jour, le transfert d'eau à partir du barrage de Koudiat Acerdoune. L'Etat, en un mot, dispose de plusieurs alternatives pour sécuriser l'alimentation en eau potable dans la wilaya d'Alger. Les besoins en eau potable pourraient atteindre 1 600 000 m3/jour dans la wilaya. Aujourd'hui, on essaye de préserver la ressource. On utilise 260 forages. La Mitidja fournit 150 000 m3/jour. L'heure n'est pas à l'intensification des forages afin de préserver les ressources souterraines (l'eau des nappes). Quel a été l'effort de la Seeal en matière d'assainissement ? La situation en 2006 n'était guère reluisante. On a constaté que 94% des eaux des égouts étaient jetées à la mer. Aujourd'hui 53% des eaux des égouts son traités. On travaille sur la rénovation du système d'assainissement et des stations d'épuration. On atteindra le 100% d'eaux usées collectées et traitées en 2025 dans la capitale. On envisage d'atteindre 75% d'eaux usées collectées et traitées en 2014 à Alger. En tout état de cause, Alger ne sent plus l'odeur des eaux des égouts.