Certains sont persuadés que Michael Jackson n'est pas mort. D'autres pensent qu'Elvis Presley va faire sa réapparition bientôt. D'autres jurent que Ben Laden n'a pas été bouffé par les poissons de l'océan Indien. À chaque mort, sa légende. Et celle des chefs terroristes au Mali ne déroge pas à la règle. Après la mort annoncée du chef d'Aqmi du Sud, Abou Zeïd, l'armée tchadienne affirme avoir également abattu Mokhtar Belmokhtar, “l'émir du Sahara". Si cela se confirme, c'est une excellente nouvelle pour la lutte antiterroriste. Mais voilà, il y a un hic. Personne n'est sûr qu'il soit mort. Ni à Paris ni à Washington, encore moins à Alger ou Bamako. Il n'y a que les Tchadiens qui affirment, haut et fort, qu'ils viennent d'abattre successivement deux des plus grandes menaces terroristes au Sahel. Le problème est que faute de confirmation, cela ne fait que renforcer leur légende. Car il faut être précis avec les morts. Par expérience, dans la lutte antiterroriste, le premier bénéficiaire d'une annonce de décès est le... mort lui-même. Combien de fois, de Ben Laden à Zerkaoui en passant par Droukdel ou Zitouni, ce sont les chefs terroristes qui orchestrent leur propre mort pour ressusciter plus tard. Combien de fois les armées donnent pour mort un chef terroriste avant de comprendre qu'ils ont fait fausse route. Maintenant, après “les Experts" Miami ou “les Experts" New York, ce sont les “Experts" N'Djamena qui disent qu'ils ont eu les chefs terroristes. Et tout le monde attend les tests ADN, les empreintes dentaires ou simplement de voir les cadavres. Car sans cadavres, il n'y a pas de morts. Sans images, il n'y a pas de guerre. Et sans preuves, il n'y a pas de bilan. La mort supposée d'Abou Zeïd et de Belmokhtar (qui serait une très bonne nouvelle, répétons-le) est à l'image de cette guerre bizarre au Mali où rien ne transpire. Censure militaire française oblige. La France dit avoir abattu des centaines de terroristes que personne n'a vus. Les hélicoptères bombardent des cibles sans qu'on sache si sous les bombes ont péri des terroristes d'Aqmi ou du Mujao, des Touaregs, des Barabiches ou des Maliens du Nord. Ce qui ouvre, avec certitude, les portes à une future guerre ethnique. La guerre au Mali est devenue une foire de la communication de crise. Chaque expert y va de son communiqué. Chaque armée y va de son bilan. Seuls les terroristes sont étrangement silencieux. Le Tchad vient de réaliser une prouesse antiterroriste en supprimant deux chefs terroristes après avoir perdu plus de 50 membres de leur armée. Espérons seulement que ce n'est pas de la communication de crise. n