Les derniers événements en Egypte ont laissé perplexes les observateurs, les politiques et les faiseurs d'opinion. Fallait-il applaudir ou huer l'intervention de l'armée égyptienne qui a été décisive dans le bras de fer engagé début juillet entre le président Morsi et la rue ? Certains, faisant abstraction de la fameuse et historique mobilisation populaire anti-Morsi, y ont vu un coup d'Etat militaire, un putsch, ayant mené à la déposition d'un président "démocratiquement" élu. D'autres, minimisant le rôle et le poids des militaires dans le système socio-politique égyptien, n'avaient d'yeux que pour les 33 millions d'Egyptiens ayant battu le pavé en ce début juillet. En arrière-plan, se défilait le scénario algérien de janvier 92 et se recréaient les clivages politiques entre partisans et détracteurs de l'intervention militaire. De la destitution de Morsi, qui a été l'occasion pour les uns et les autres de clamer haut et fort qu'ils ont eu raison, trois vérités doivent être dites. Primo, les généraux qui auraient volé la victoire du peuple pèsent 1,3 milliard de dollars fournis annuellement par les USA. Ils contrôlent une bonne partie de l'économie égyptienne dont des fermes, des usines, de l'immobilier et des actions en Bourse. Enfin, ils font respecter les accords, pourtant impopulaires, conclus avec Israël, en sous-traitant la gestion de la prison à ciel ouvert qu'est Gaza ! C'est dire que l'armée égyptienne est au centre du système politique égyptien et une pièce maîtresse dans l'échiquier moyen-oriental. Les généraux n'ont fait que défendre leurs propres intérêts en désapprouvant leurs alliés de la veille. Secundo, les Frères musulmans, auxquels on aurait usurpé une victoire "démocratiquement" arrachée, ont failli en un laps de temps record. En une année de gestion "fréro", les chiffres du chômage et de la misère ont augmenté, les accords avec Israël jalousement respectés, les libertés muselées et la dignité bafouée. Le Caire est devenu pour les femmes un enfer pavé de mauvaises intentions. Les mécontents sont traités de "fauteurs de troubles qui veulent entraîner le pays dans le chaos". Les jeunes, principaux animateurs de la place Tahrir, sont persécutés et croupissent, pour certains, en prison. Les Frères musulmans n'ont fait que prouver ce dont ils sont capables : affamer et mater le peuple en se servant de la foi musulmane. Prétendre défendre les "fréro" au nom de la démocratie formelle, c'est fermer les yeux sur la tragédie socioéconomique qui a fait sortir dans la rue des millions d'Egyptiens. Car, enfin, l'islamisme, dans toutes ses versions, ne peut constituer une alternative politique réaliste et crédible. Tertio, les manifestants anti-Morsi ont remis en cause les règles du jeu politique qui, au lieu d'être définies par une Assemblée constituante représentative des différentes sensibilités politiques de la société, ont été imposées par une poignée d'islamistes. Dans l'expression de l'urgence d'un programme socioéconomique qui satisfasse leurs besoins, les manifestants de la place Tahrir viennent de révoquer un président en disqualifiant un mouvement politique qui n'a pas respecté ses promesses. Ils viennent de prouver que l'alternance au pouvoir n'est pas une formalité démocratique inscrite dans un agenda électoral. Être élu ne suffit pas. Car, enfin, faut-il encore avoir un programme et tenir ses promesses. Laisser, aujourd'hui, l'initiative aux militaires qui ferment les médias pro-Morsi, arrêtent les militants islamistes ou, pis, canardent des manifestants islamistes n'est certainement pas la solution. Aussi, nourrir l'illusion qu'on aurait dû laisser les islamistes gouverner au nom de la démocratie, c'est s'entêter à faire la sourde oreille aux millions de manifestants qui scandaient "Morsi dégage". M. F Nom Adresse email