Ali Benflis dénonce les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel, accuse Bouteflika d'avoir distribué les quotas, annonce un livre blanc sur la fraude et réaffirme sa détermination à changer le système à travers un combat politique, y compris avec les boycotteurs. "C'est le président de la République lui-même qui a distribué et réparti les quotas de voix entre les six candidats à l'élection du 17 avril dernier." Cette révélation est d'Ali Benflis, ancien chef de gouvernement et ex-candidat à la dernière présidentielle. Intervenant, hier, au lendemain de la validation des résultats par le Conseil constitutionnel, Benflis n'a pas mâché ses mots pour dénoncer la fraude en amont et en aval de l'opération électorale en endossant la responsabilité au président de la République ainsi qu'au Conseil constitutionnel. Sans tergiverser, l'ancien chef de gouvernement a accusé tout de go le président de la République d'avoir défini à l'avance et réparti "le nombre de voix à chaque candidat au scrutin", dévoilant que "l'actuel chef de l'Etat a refusé d'aller au second tour de l'élection, sachant qu'il ne l'emportera pas dès le premier". Le Conseil constitutionnel, incontestablement acteur de "la fraude programmée" du 17 avril, est, selon Benflis, "rabaissé au service exclusif du régime en place et a donné une caution légale et morale à la fraude électorale". Allant dans le détail pour prouver l'implication, dans les faits, de cette institution dans le trucage des urnes, l'ancien chef de gouvernement pointe du doigt trois de ses membres. "Ces trois membres ont mené campagne pour le Président et ce sont eux-mêmes qui ont décidé quels étaient les dossiers de candidatures à l'élection à retenir et ceux à refuser", a-t-il révélé sans pour autant les nommer. Il dit détenir une vidéo de ces trois membres du Conseil constitutionnel sur YouTube à qui veut connaître leur identité. De l'avis de l'ancien patron du Front de libération nationale (FLN), il existe un bon côté des choses, mis en évidence lors de la présidentielle du 17 avril : c'est celle de la mise à nu de tout un système frauduleux. Et pour lui, l'évidence de la fraude est perceptible à travers les réponses à un certain nombre de questions : "Quelles sont les raisons qui ont présidé à la nomination d'un très proche du Président à la tête du Conseil constitutionnel ? Comment se fait-il que ce même Conseil ait accepté le dossier de candidature de Bouteflika en contradiction avec la réalité ? Comment a-t-il pu accepter les quatre millions de signatures sans en avoir vérifié l'authenticité ? Est-il normal que le Conseil accepte une déclaration de patrimoine dénuée d'un compte bancaire dans lequel le Président puise son salaire ? Comment le Conseil constitutionnel a pu accepter et valider le dossier médical du candidat Bouteflika, alors que les images diffusées par la Télévision algérienne montrent que le candidat n'est pas en mesure de diriger le pays ?" s'est-il interrogé, avant d'asséner : "Pour toutes ces raisons, je ne reconnais pas les résultats de l'élection. Mes droits ont été confisqués." L'ex-candidat, qui se dit être le vainqueur de la présidentielle, revendique 4 millions de voix "sur les six millions exprimées". Jurant que le bourrage des urnes de cette élection "ne passera pas sous silence", Benflis annonce la publication prochaine d'un livre blanc sur la fraude dont il exhibera une première ébauche aux journalises. "L'armée est restée spectatrice et a laissé faire" "Je n'ai aucun appel à faire à l'armée", a indiqué, hier, Benflis, à l'issue des résultats de l'élection alors qu'il l'avait interpellée à la veille du scrutin, lui recommandant d'observer la neutralité. Toutefois, il estimera que "le 17 avril, l'armée a laissé faire, elle est restée dans sa position d'observateur au regard des dépassements de l'administration". Et d'ajouter : "Je n'ai aucune raison de douter de l'engagement de neutralité exprimé par Gaïd-Salah." Dans le fond, l'ex-chef de gouvernement lie la fraude "massive" à la situation actuelle du régime algérien. "C'est un régime vieillissant, finissant, sa fin est inéluctable." Tout en insistant sur "l'urgence d'une refondation du système politique" en place, Benflis a réaffirmé poursuivre son combat politique à travers la création de son parti. Dans ce cadre, Benflis annonce qu'il sillonnera l'Algérie entière, comme il l'a fait lors de la campagne électorale, pour expliquer son projet. "C'est la même ferveur et force qui émaneront de moi et vous savez que durant les trois semaines de la campagne je ne dormais que 2h. Je suis déterminé", a-t-il assumé. Et pour cause, "il existe une véritable alternative au régime actuel. Nous sommes lassés des tutelles". L'ancien postulant à la magistrature suprême insiste sur sa volonté de mener un combat strictement politique. "Oui, j'avais l'occasion de riposter différemment à la fraude, mais je suis une personnalité politique qui rejette la violence", a-t-il insisté. "J'ai été sollicité par les boycotteurs" Benflis dit "ne pas vouloir travailler seul", même après la création de son propre parti. À ses yeux, la construction d'une alternative au régime actuel est une démarche transpartisane et "peut se faire à travers une initiative politique commune qui rassemblera toutes les forces du changement". À cet effet, il révèlera avoir été sollicité par les partis boycotteurs de la présidentielle qui préparent une conférence pour la transition démocratique. "Je vais rencontrer le front du boycott", a-t-il annoncé, tout en précisant : "J'irai avec mes propositions et eux viendront avec les leurs. Si nous tombons d'accord, c'est tant mieux, sinon je soutiendrai l'ensemble des démarches pour un changement pour le meilleur de l'Algérie." Sollicité pour une réaction à la répression des marches du 20 Avril en Kabylie, Ali Benflis a estimé que "l'époque de la matraque est révolue". "Le peuple algérien n'est plus en mesure d'accepter la répression. À Béjaïa, à Tizi Ouzou et à Bouira, les citoyens avaient manifesté dans le calme, ils représentent un exemple de citoyenneté. Mais le pouvoir est aveugle et recourt à la violence pour réprimer les manifestations, à défaut de pouvoir régler les problèmes. Le système refuse le changement", a-t-il asséné. N. M Nom Adresse email