Plus de 2 000 personnes sont malades. Le chiffre n'est pas définitif. Les habitants de Meftah souffrent. Ils ont décidé de sortir. Hier, la ville était fermée. D'autres actions sont prévues si les autorités n'interviennent pas. Le 1er juillet 2004 sera une date fatidique pour les habitants de la ville de Meftah. Et pour cause, la géante cimenterie implantée à l'entrée de cette localité est tenue d'installer un nouvel électrofiltre pour parer au risque certain de la propagation de l'amiante bleue. Hier, les commerçants et les habitants de Meftah ont largement suivi l'appel lancé par l'Association écologique (AEM). Meftah était une ville morte. Un signe fort de protestation d'une population désemparée par l'insouciance des autorités locales, le désengagement des services d'hygiène et l'incompétence de ceux qui sont payés par le contribuable pour protéger l'environnement et la santé des populations. À notre arrivée, hier, sur les lieux, l'air était irrespirable. En forme de cuvette, Meftah donne l'impression d'une ville infernale de part son climat, son étouffement ajouté à la pollution industrielle. Il faut savoir que la construction de la première cimenterie remonte à l'année 1901. Celle-ci était située en dehors du périmètre urbain et ne gênait pas les habitations limitrophes. En 1975, une autre cimenterie, plus grande, sera construite presque dans le même périmètre sans prendre en considération les paramètres de l'expansion urbaine décidée à l'époque. Aujourd'hui, l'activité industrielle de cette unité a augmenté et les populations sont plus que jamais exposées à la poussière et aux risques majeurs comme les maladies respiratoires et les tumeurs. Installé à deux reprises, l'électrofiltre ne résistera pas longtemps et l'usine continuera son activité en toute quiétude. Pourtant, vers les années 1990 à 2000, des rencontres ont eu lieu entre les écologistes et les responsables locaux sur le risque de propagation de l'amiante bleue et de la contamination des vergers, sans compter la prolifération des maladies respiratoires comme l'asthme. On signale plus de 2 000 cas de maladies (statistiques officielles). Un chiffre relatif qui cacherait toutes les souffrances de la population, à commencer par les travailleurs de l'entreprise qui activent dans des conditions précaires. “On ne demande pas la délocalisation de l'unité, mais de prendre des mesures pour protéger l'environnement et les populations du massacre écologique. La gestion participative n'existe pas chez nous. Les vergers sont morts. Le peu qui reste de la faune est en voie de disparition. La Mitidja étouffe ! Nous sommes dans un pays où les lois sont transgressées”, dira le président de l'AEM, Hamoud Merabet. Ce dernier, qui arrivait à peine à contenir sa colère face au mépris des autorités concernées, menacera : “Si les gens sortent dans la rue, nous déclinerons toute responsabilité car les autorités sont au courant plus que nous de ce problème. Même la PUPE (Police de l'urbanisme) ne bouge pas !” S'exprimant en sa qualité de vice-président chargé de l'urbanisme à l'APC de Meftah (et non au nom de l'APC), M. Noureddine Amirouche avouera que “la ville de Meftah a toujours été un foyer de tension à cause des poussières rejetées par la cimenterie. J'ai grandi dans ce décor. Ici, la population souffre énormément des maladies causées par la pollution industrielle. De tous mes souvenirs, l'année 2003-2004 est celle de la grande pollution à cause des électrofiltres défaillants”. Par ailleurs, on a appris que la wilaya d'Alger vient d'avaliser le projet de déviation de l'axe routier Est-Ouest traversant la ville, pour la désengorger de la circulation, évitant ainsi que les camions citernes et de ciment ne traversent la ville. En attendant, entre les pollueurs et les écologistes, la guerre est déclarée. F. B.