L'effet 8 avril s'amplifie de manière soutenue. La classe politique s'étant elle-même infligée l'assainissement qu'appelait l'intronisation de Bouteflika, par une allégeance empressée pour certaines formations, par épuration interne pour d'autres ou par craintif repli pour d'autres enfin. Entre avidité et apathie, elle a perdu jusqu'à son sens. La répression a, de son côté, neutralisé la société : les mouvements citoyens, associatifs et syndicaux étouffés, l'expression sociale s'est éteinte et ne se résume plus désormais qu'à de dociles officines officielles. La presse qui ne s'est pas unanimement soumise au mouvement général d'inféodation politique subit, pour certains de ses secteurs et presque seule, les suites meurtrières de la rupture du 8 avril. Envers les îlots encore insoumis du journalisme, la pression s'intensifie. Il semble que les châtiments et intimidations infligés jusqu'ici à des journaux et des journalistes n'ont pas suffi à juguler les voix discordantes. C'est peut-être ce qui a poussé le Chef du gouvernement à produire une circulaire réitérant le principe du monopole de l'Anep sur la publicité institutionnelle. La circulaire du 18 août régente, en effet, des actes de gestion courante, en totale contradiction avec le principe d'autonomie des entreprises publiques économiques. En ordonnant aux “EPE, EPIC et banques publiques” d'“acheminer, traiter et contracter leur publicité et annonces exclusivement par le canal de l'Agence nationale d'édition et de publicité”, la décision contredit le principe légal de pleine responsabilité des dirigeants dans la gestion de leurs entreprises en même temps qu'elle résilie un précepte directeur de la politique économique nationale : la primauté de la loi du marché sur l'injonction politique. On se souvient que les imprimeries ont déjà été instruites pour participer à la pression multiforme engagée contre certains titres. Aujourd'hui, c'est l'ensemble des secteurs économiques et administratifs publics qui sont sollicités à prendre à l'œuvre liberticide nationale ! Une nation entière sera bientôt enrôlée pour aider au musellement de la presse et l'instauration de l'empire du discours unique. Au moment où, partout, l'impératif d'efficience a imposé la comptabilité dans les secteurs extra-économiques, nos administrations sont forcées d'acheminer leurs budgets publicitaires vers des supports politiquement triés via une Anep à vocation culturelle et communicationnelle, mais réduite à une fonction coercitive par la raison du pouvoir. À savoir que cette instruction, explicitement assortie d'une menace de “mise en débat des ordonnateurs” ayant engagé des dépenses de publicité dans une autre direction que l'Anep, aura l'effet du coup de grâce contre les titres visés. Mais ce qui est certain, c'est qu'elle renseigne sur la distance entre le discours de l'économie de marché et l'autoritarisme qui hypothèque toute possibilité d'évolution du mode de gouvernance de nos institutions. M. H.