Bouteflika veut éliminer de sa route les entraves qui retardent le rétablissement total de la paix. La volonté du président de la République d'aller vers une amnistie générale en faveur des terroristes confirme son ambition de parvenir, avant 2009, à instaurer une paix totale dans le pays. Cette amnistie serait le prolongement de la loi sur la concorde civile, établie le 13 juillet 1999 et confortée par un plébiscite populaire le 16 septembre suivant, suivie immédiatement après son expiration, le 13 janvier 2000, d'une mesure de grâce amnistiante aussi largement contestée. La volonté de Abdelaziz Bouteflika était inscrite dans son discours prononcé, dimanche dernier, au Palais des nations, au Club-des-Pins (Alger) : “Mon vœu est de rassembler tous les Algériens sans exclusive sous le même toit, dans le cadre de l'entente et de la concorde.” Elle résume, sans doute, sa philosophie de gouvernance affichée dès que les responsables militaires l'ont sollicité pour prendre les rênes du pouvoir après le départ précipité de Liamine Zeroual, le 11 septembre 1998. Sa philosophie s'appuie d'abord sur une réconciliation nationale non pas uniquement limitée à l'action terroriste et violente, mais aussi à tous les domaines où les antécédents ainsi que les malentendus retardent l'entente ; ensuite sur un retour progressif et constant à la paix civile, qui suppose le retour des “égarés” dans le droit chemin, ce qui n'est pas une mince affaire ; enfin l'avènement d'une ère de relance, voire de prospérité économique, elle-même garante de la stabilité sociale et de promotion de la paix. Le recours du chef de l'Etat à l'amnistie pourrait se justifier par la poursuite impitoyable, quoique réduite, de la nuisance terroriste. Une nuisance qui, forcément, retarde autant son entreprise que l'aspiration du pays au redémarrage. Cette entreprise tient en compte, bien sûr, de la souhaitable concrétisation de l'unification de l'espace maghrébin, sinon de l'instauration d'un nouveau cadre dans lequel se négocieraient les relations entre les pays riverains. L'Union du Maghreb arabe (UMA) a déjà prouvé qu'elle demeurait une coquille vide, une institution caduque, incapable de résorber la tension entre la Libye et la Mauritanie, incapable de rapprocher l'Algérie et le Maroc sur la question du Sahara occidental. Tout au long de ce processus combiné sur les plans local et régional, M. Bouteflika arbore, ostensiblement, les marques de son empreinte personnelle, mais présente un respect sans faille à la légalité constitutionnelle (“Les décisions courageuses à prendre ne doivent pas dépasser celles qu'il est en mon pouvoir de prendre et que j'oserai prendre dans les limites des prérogatives que me confèrent la Constitution et les lois de la République” ) et une soumission à la souveraineté du peuple (“Je ne dirai rien jusqu'à ce que le peuple se prononce…” ). Ce processus a, par ailleurs, ruiné tous les acquis de l'après-Octobre 1988, notamment la remise en cause du fonctionnement des partis politiques et de l'existence d'une presse écrite privée au ton libre. Reste que le succès de l'amnistie générale serait, pour le président, le parachèvement de son œuvre politique, de la vision future qu'il a de l'Algérie. Cela supposerait une “coopération” des groupes terroristes dont beaucoup ont déjà répondu par leur ferme engagement en faveur d'une mondialisation armée de l'islam. Economiquement, l'adhésion de notre pays à l'OMC et l'accord d'association avec l'Union européenne vont finir la démarche libéralisante des ministres en charge des dossiers économiques. Lyes Bendaoud Ce que signifie “amnistie générale” Selon un brillant juriste que nous avons joint, hier, au téléphone, l'amnistie générale proposée par le président de la République implique un pardon entier aux personnes condamnées ou poursuivies et une absolution totale des faits qui leur sont reprochés. Cette loi doit être soit votée par le Parlement, soit adoptée par voie référendaire. Contrairement à la grâce, l'amnistie absout la personne et efface totalement le délit, “elle rend la liberté et dans le même temps, efface les faits et les conséquences qui peuvent suivre”. Par “conséquences” on comprend toute poursuite susceptible d'effets et découlant directement ou indirectement d'un fait ou de plusieurs faits prouvé(s) par la justice. L. B.