En 2012, la France découvrait un terrorisme au mode opératoire nouveau : les attentats commis par "les loups solitaires". Mohamed Merah commettait des attentats à Toulouse et Montauban. Mercredi dernier, les deux frères Saïd et Cherif Kouachi ciblent, au cœur de Paris, la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo qu'ils déciment. Jeudi, Amedy Coulibaly mitraille mortellement une policière et blesse un agent de la voirie à Montrouge et, le lendemain, à Vincennes, exécute froidement quatre personnes qu'il avait prises en otages. Ces attentats attestent d'une poussée d'un islamisme radical que les dispositifs mis en place pour promouvoir un islam de France pacifique et tolérant n'ont pu éviter, sinon, à tout le moins, le contenir. L'investissement de l'Etat français dans le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui regroupe les organisations les plus prépondérantes et les plus représentatives de l'islam dans l'Hexagone, comme l'instrument le plus à même d'aider à la création d'une osmose entre la pratique du culte musulman et les valeurs laïques de la République, n'aura pas été fructueux. L'islam radical, que l'islamologue Gilles Kepel désigne par "islam des jeunes", a prospéré en marge, voire à l'ombre de la prédication qui s'insère dans le programme propre au CFCM, dont l'une des missions consiste également à former des imams. Le CFCM, dont la création en 2003 a été encouragée, pour ne pas dire carrément managée par Nicolas Sarkozy, alors ministre français de l'Intérieur, est supplanté sur le terrain de l'action par les prédicateurs salafistes dont les prêches, par radicaux qu'ils soient, captent les jeunes, notamment ceux des banlieues dont l'intégration a manqué d'être parfaite et qui, aussi, ont fréquenté les chemins de la délinquance. Les jeunes Français, d'origine maghrébine et arabe surtout, ceux des banlieues notamment, adhérent d'autant plus aisément aux discours islamistes radicaux puisqu'ils estiment que ce sont les plus appropriés à opposer aux discours xénophobes d'une certaine classe politique française, l'extrême droite notamment. D'autant que les discours extrémistes de l'extrême droite sont suivis parfois d'actes de violence. L'Observatoire national contre l'islamophobie du CFCM a déploré l'aggravation des actes islamophobes en 2013. Il a relevé 226 actes, soit une hausse de 11,3% par rapport à 2012. La disposition des jeunes à l'adhésion au discours radical prépare le lit à l'endoctrinement pour le passage à l'action violente, c'est-à-dire à l'attentat terroriste. On sait, après coup malheureusement, que Cherif Kouachi et Amedy Coulibaly se sont radicalisés lors de leur passage quasi simultané à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) où se trouvait incarcéré un certain Djamel Beghal, condamné pour sa participation à l'élaboration d'un projet d'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Paris. Djamel Beghal est présenté, en tout cas, comme le mentor de Kouachi et de Coulibaly. Bien des spécialistes ont saisi l'occasion l'occasion de relever que les prisons sont en passe de devenir les cocons de la radicalisation islamiste. Ici aussi, le Conseil français du culte musulman a échoué, puisque ses attributions lui confèrent un rôle envers la population carcérale musulmane. S. A. I.