Tous les clignotants sont au rouge, mais pas seulement pour notre pays. L'Occident s'enfonce dans une crise économique structurelle sans précédent depuis les années 30. Cette guerre qui nous est imposée par certaines puissances avec la complicité de l'Arabie saoudite, qui a bloqué la volonté des pays de l'Opep de baisser leur production pour endiguer la chute des prix du pétrole, relève d'enjeux géostratégiques qui dépassent notre pays. Entre 42 et 45 dollars le baril de pétrole (les USA n'iront pas en dessous du seuil de rentabilité du coût de production du gaz de schiste qu'ils subventionnent au demeurant) que prédisent les experts mondiaux versés dans ce domaine, quel choix s'offre à nous et de quelle capacité de riposte disposons-nous ? Telle est la question. Nous avons pu joindre par téléphone Abdelatif Rebah, ancien cadre supérieur du secteur de l'énergie et chercheur indépendant, qui pense que cette hypothèse est plausible. Mais dans le même temps, il considère que les cours du prix des hydrocarbures vont rebondirent en 2016 ou en 2017 pour se situer entre 70 et 72 dollars le baril. Car selon lui, les besoins énergétiques mondiaux vont en s'accroissant, et que les alternatives de transition énergétique ne peuvent, du moins pour l'instant, répondre à toutes les exigences énergétiques de l'économie libérale et du frémissement du redémarrage de sa croissance. Enfin, il estime qu'il faut revenir aux fondamentaux du développement économique national initiés dans les années 1970, en renforçant notre souveraineté économique, quelles que soient les pressions des institutions financières internationales qui veulent nous enfermer dans un schéma auquel elles voudraient que l'Algérie se soumette. S'agissant de l'impact immédiat de la crise que nous vivons, M. Rebah craint une dépréciation dangereuse de la valeur du dinar et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des catégories sociales les plus fragiles, y compris les couches moyennes. Selon notre interlocuteur, il y a risque que le dinar connaisse le même sort que le rouble russe, si l'on ne diversifie pas rapidement notre économie en conférant une assise économique productive qui conforte la monnaie nationale. Il y va de la rupture de la cohésion sociale et de l'unité nationale. Du côté des autorités, encore une fois, nous sommes dans une dissonance du discours officiel. Pour le Premier ministre, lors de sa dernière prestation à l'ENTV, la politique de l'exécutif "consiste en la réduction de la facture des importations en réintroduisant la licence d'importation et en facilitant par ailleurs les conditions d'investissement privé et public créateur de richesses". Il a affirmé également que l'Etat ne touchera pas aux dépenses sociales. Mieux encore, comme du reste son prédécesseur, il a dit que l'exécutif prendra des "mesures pour réduire les dépenses non prioritaires, de lutter contre le gaspillage, la fraude et la fuite des capitaux". Mais alors comment expliquer le discours du ministre des Finances face à la commission des finances du Sénat ? "à l'avenir, le citoyen paiera ce qu'il doit payer... chacun doit prendre ses responsabilités." Il a pris le soin néanmoins de préciser que les subventions seront réservées progressivement aux couches défavorisées. Mais il a ajouté que "viendra le jour où nous devons rationaliser l'intervention sociale du gouvernement" (les transferts sociaux représentent 30% du PIB annuellement). Pour ce qui est de la santé, il a déclaré que les soins devront devenir payants de même que les logements sociaux. Nous voici donc en plein scénario d'austérité que le pouvoir politique qualifie pudiquement de "rationalisation des dépenses", sauf qu'il s'agit ici de questions sensibles qui ne manqueront pas de soulever le courroux des citoyens. Nous sommes bel et bien dans une crise, qui peut être amortie pendant deux ou trois ans selon les spécialistes, compte tenu de nos réserves de change et du fonds de régulation des recettes. Il faut donc s'attendre à une thérapie de choc, qui sera, comme toujours, supportée par les plus démunis. A. H.