Le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, conditionne la participation de son parti par la présidence de la conférence et le droit de regard sur la liste des participants, personnalités et autres représentants de la société civile. Signe de mauvais augure pour la conférence du consensus national projetée par le Front des forces socialistes (FFS) : le Front de libération nationale (FLN), le plus significatif des segments partisans à avoir trouvé un intérêt, dans un premier temps, à accompagner l'initiative, risque de ne pas y prendre part. Au sortir, jeudi, d'une réunion de concertation avec Belkacem Sahli, le premier responsable de l'Alliance nationale républicaine (ANR), Amar Saâdani a surpris tout le monde, affirmant que la participation de son parti est assujettie à de nouvelles conditions. Et pas des moindres ! Après avoir exigé et obtenu, fin janvier, du FFS de s'astreindre au respect scrupuleux des lignes rouges tracées par le FLN, lesquelles consistent à ne pas remettre en cause la légitimité des institutions élues de la République, Amar Saâdani est revenu une seconde fois à la charge pour réclamer rien moins que "les honneurs" dus à son parti, en sa qualité de parti majoritaire aux assemblées élues. En dégainant cette nouvelle condition intéressant, il faut le souligner, un aspect organisationnel mais qui a ses implications politiques, le patron du FLN anticipait en fait sa réaction à l'assertion qui voudrait que le FFS aurait retenu de confier la présidence de la conférence du consensus national, prévue pour les 23 et 24 février, à Ahmed Taleb Ibrahimi. De sources crédibles, on a appris, en effet, que pour la présidence de la conférence en question, la direction du FFS a choisi de faire honneur à l'ancien ministre des Affaires étrangères sous Chadli Bendjedid, Ahmed Taleb Ibrahimi. Ce choix, bien évidemment, n'est pas apprécié en haut lieu. Il agace même, au point d'intimer au secrétaire général du FLN, qui annonçait une semaine auparavant son adhésion à l'initiative du FFS, de se déclarer peu enclin à participer à la conférence du consensus national qui sera présidée par un autre parti que le FLN, et qui sera ouverte aux personnalités et à la société civile. La même réserve du FLN s'exprimerait au sujet d'une toute autre personnalité "amie" du FFS qui serait proposée pour diriger les travaux de la conférence. À commencer par l'ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, dont l'affairement politique des derniers mois déplairait au pouvoir. Le secrétaire général du FLN réclame, d'ailleurs, tout court, la présidence de la conférence. "Le parti (FLN, ndlr) refuse d'être présidé dans le cadre de l'initiative du consensus national, car il s'agit du parti de la majorité", a averti Saâdani, jeudi, à la surprise générale, ajoutant que "le parti refuse de remettre en cause la légitimité des institutions en place, la présidence de la République et les assemblées élues. Il s'agit de lignes rouges à ne pas franchir". Le secrétaire général du FLN a, par ailleurs, fait savoir qu'il "a exigé que les rencontres du parti se déroulent avec les autres formations politiques et non pas avec des personnes ou associations représentant la société civile". Mieux encore, Amar Saâdani revendique un droit de regard sur la liste des participants à la conférence. "Si l'initiative est nationale, les préparatifs devraient être de même en s'accordant préalablement sur la liste des participants", a-t-il soutenu, révélant au passage que "ces questions n'ont pas encore atteint la phase de maturité". Nos tentatives d'avoir le commentaire d'un des responsables du FFS ont été vaines. C'est à croire que la sortie, inattendue, de Saâdani a tétanisé la direction du parti. Le FFS victime de "sa feuille blanche" La patron du FLN fait montre d'un ascendant politique sur la direction du FFS qui, il faut le dire, s'est elle-même piégée en étrennant une initiative politique à laquelle elle n'a pas défini les aboutissants et les objectifs concrets à atteindre. Cette dernière ne devait plus avoir d'emprise, voire de maîtrise, sur son initiative, dès lors que c'est avec une "feuille blanche" qu'elle a démarché ses partenaires politiques éventuels. Le FLN, que la réussite de la conférence du consensus national intéressait, ne serait-ce qu'en ne laissant pas le terrain libre devant l'action plus percutante de l'opposition, a vite compris cela et a entrepris d'y dessiner ses propres tags politiques. Les remarques émises par Saâdani sur la présidence ainsi que sur la qualité des participants à la conférence du consensus national sont, à y regarder de plus près, une remise en cause quasi totale des préparatifs accomplis, jusque-là, par le FFS. Autrement dit, de la conférence elle-même. Pis encore, la sortie du patron du FLN saborde cette initiative qui peinait déjà à réunir grand monde. Car, quoi qu'il fasse, après les exigences de Saâdani, le FFS provoquerait des retraits. S'il maintient ses invitations à la société civile et aux personnalités, mais aussi s'il confie la présidence de la conférence à Ahmed Taleb Ibrahimi, il est certain que le FLN sera absent. Si, en revanche, il venait à accéder aux desiderata du secrétaire général du FLN, il verrait alors sa conférence orpheline de participants. Sérieuse impasse pour le FFS qui, depuis le retrait de Hocine Aït Ahmed de la gestion politique du parti, éprouve les pires difficultés à s'illustrer dans une ligne de conduite claire, à structurer une initiative viable. D'ailleurs, celle relative à la réunion d'une conférence du consensus national portait en elle-même les germes de l'échec, puisque boudée par l'essentiel de l'opposition politique. La désillusion est, peut-être, déjà là, puisque d'autres partis invités à la conférence du consensus national, à l'instar de l'Alliance nationale républicaine (ANR), émettent des réserves par rapport à l'initiative du FFS. Le parti de Belkacem Salhi, qui gravite autour du pouvoir, dit ne pas cautionner l'appel à la moralisation de la vie politique nationale. Ces réserves, exprimées par le FLN et l'ANR à deux semaines près de la date retenue pour la conférence du consensus national, risquent de provoquer un effet d'entraînement chez le reste des partis proches du pouvoir qui pourraient, eux aussi, trouver motif à se démarquer de l'initiative à laquelle le FFS a œuvré à les associer. L'opinion en saura davantage, aujourd'hui, après la rencontre programmée entre le FFS et le RND. Le parti d'Abdelkader Bensalah, qui forme avec le FLN les deux béquilles partisanes sur lesquelles s'appuie le pouvoir, pourrait s'aligner sur la position du FLN. Souvent, en pareille situation et autour d'entreprises politiques du genre de la conférence du FFS, les partis proches du pouvoir se montrent grandement solidaires. S.A.I.