Généreux ! Voilà un mot qu'on utilise souvent dans la vie mais aussi lorsqu'on évoque la musique. Les artistes qui se sont produits lors de l'avant-dernière soirée de la 18e édition du Festival Gnaoua et Musiques du monde d'Essaouira (du 14 au 17 mai) se sont dépensés et donné à fond lors de leurs prestations. Et le public le leur a bien rendu ! Ils ont été d'une incroyable et réconfortante générosité, qui nous rappelle que la musique se partage, que c'est toujours une question de feeling, d'émotion. La magie de l'instant. [D'Essaouira, Sara Kharfi]
Maâlem Hassan Boussou et sa formation Boussou Ganga a inauguré, sur la grande scène au niveau de la place Moulay El-Hassan, l'avant-dernière soirée du Festival Gnaoua et Musiques du monde d'Essaouira, qui prend fin ce soir. Fils d'un des plus importants maâlems du Maroc, le regretté Hmida Boussou (disparu en 2007), maâlem Hassan a revisité quelques-uns des titres du répertoire des Gnawa, notamment les morceaux de la mhala (cohorte) des Rouges et de celle des Moussawiyine (les Bleus marins). Le maâlem a proposé un spectacle traditionnel (avec guembri et karkabou) mais son statut de musicien de réussir la mise en scène d'une tradition qui semble, pour beaucoup d'entres-nous, complexe et insaisissable. Maâlem Hassan Boussou cèdera la scène au saxophoniste américain Kenny Garrett qui s'est produit en quintet. L'artiste, qui s'illustre dans le jazz et qui a notamment terminé son apprentissage auprès de Miles Davis, a largement été séduit par le public –toujours aussi nombreux– qui l'a longuement ovationné et avec lequel il a réussi à créer un lien très fort, en reprenant des morceaux qui invitent à la méditation pour certains alors que d'autres ont fait danser même les plus récalcitrants. Une ambiance électrique s'est installée et ce beau moment de musique s'est terminé dans une parfaite et totale communion. Kenny Garrett a réussi la jonction entre la technique et l'émotion : on est attentif à son jeu et à celui de ses musiciens, mais on est aussi transporté par les mélodies et les rythmes. Salif Keita, Cheikh Tidiane Seck et Amadou Bagayoko (d'Amadou et Mariam) ont reformé le groupe Les Ambassadeurs et présenté un spectacle à Essaouira, très attendu par les fans de ces trois grands artistes, qui mènent, par ailleurs, des carrières exceptionnelles en solo. D'une incroyable générosité, Aziz Sahmaoui a mis le feu à Essaouira en dernière partie de soirée. Accompagné par ses musiciens virtuoses de University of Gnawa, le plus Algérien des artistes Marocains a présenté un très beau spectacle, durant lequel il a revisité ses deux albums, notamment le dernier, «Mazal», disponible depuis quelques mois en Algérie. «Jilala», «Zaouia» et «Mimoun» (deux titres arrangés d'une très belle manière) du nouvel album, mais aussi «Miskina», «Maktoub» ou encore «Ana Hayou» de l'ancien, ont fait danser le public jusqu'à l'épuisement. La fête était au rendez-vous lors de cette prestation, mais il est intéressant aussi de rappeler combien les textes de Aziz Sahmaoui sont beaux, comme cela se révèle parfaitement dans son deuxième album. La musique Gnaoua continue pour l'artiste et ses musiciens d'être le point de départ, la base et une source intarissable d'inspiration. En plus des spectacles sur la grande scène et la scène de la plage, le Festival propose des soirées intimistes à zaouia Issaoua, Dar Souiri et Bordj Bab Marrakech. Du côté de la zaouia Issaoua, un concert intimiste a été organisé et animé par maâlem Abdelatif Makhzoumi de Marrakech. Dans la cour de cette zaouia parfumée à l'encens où règne une atmosphère particulière, le maâlem, véritable maître du guembri, a interprété le répertoire des Ouled Bambara. Mais sa particularité est son jeu sur le guembri, plutôt axé sur les notes que sur le rythme, et marqué également par une lenteur, une manière de jouer qui tend à disparaître de nos jours. S. K. (Pour Liberte-algerie.com)