RESUME : Le voyage se passe très mal. Les enfants ont le mal de mer et ne cessent de souffrir qu'après la prise de médicaments. Une femme veut lier amitié avec Fatima. Elle l'invite même à venir, chez elle, à Marseille… Fatima se demande si cette gentillesse ne cache pas autre chose. Si Aldjia est sincère et veut les aider, elle acceptera l'invitation avec joie, heureuse d'avoir quelqu'un avec qui parler, dans sa langue maternelle. Mais comment savoir si elle peut lui faire confiance ? Djamel est revenu de sa promenade et elle hésite à lui parler de la proposition de l'inconnue. Depuis le déclenchement de la guerre, elle a vécu dans la méfiance. Comment faire confiance à cette femme qui voyage seule ? Partait-elle pour les mêmes raisons qu'elle ? Comment savoir si elle n'est pas là en mission ? Si elle ne travaille pas dans les renseignements ? Son mari a remarqué son air soucieux et il l'attribue aux sombres pensées qui la rongent depuis quelques semaines. — Tu verras, la vie qui nous attend ne peut être que meilleur, lui dit-il, pour lui remonter le moral. Sympathique comme tu es, tu te feras vite de nouvelles amies. — Une femme est venue me parler, lui confie-t-elle. Aldjia habite Marseille et propose même de nous prendre chez elle, le temps qu'on se remette du voyage. — C'est bien gentil, dit Djamel. Je ne suis pas surpris par sa proposition. Tu es un être sociable depuis toujours. Même les Françaises te voudront pour amie. As-tu accepté ? — J'attendais d'avoir ton avis, rétorque-t-elle. Je trouvais son invitation… louche. — Je serais avec toi et les enfants. Le danger, on en est loin maintenant. — Tu en es sûr ? — Puisque je te le dis. Mais avant d'accepter, je discuterai avec elle, la rassure-t-il. Aldjia ne tarde pas à venir, pour connaître sa réponse et la discussion qu'ils ont chasse les doutes qu'a eus Fatima. Elle est veuve et mère de deux grands enfants. Si elle est venue, au pays, c'est pour vendre la propriété de son défunt mari. Ses enfants ne veulent pas vivre au pays. — J'ai décidé de faire ma vie, là où ils feront la leur. Je ne peux pas me séparer d'eux. Je ne vous cacherais pas que mon père m'a demandé de rentrer définitivement parce que je n'ai pas de famille en France. Je l'ai déçu en lui disant que mes enfants sont ma seule famille. — Moi aussi, je me suis fâchée avec mon père, confie Fatima. Mais pour d'autres raisons. C'est grand chez toi ? — Oui, ne t'en fais pas. Tu verras, tout se passera bien. Le lendemain, Aldjia ne les quitte pas. Quand le bateau accoste à Marseille et qu'ils ont passé la douane, elle arrête deux taxis et donne son adresse, aux chauffeurs. Elle prend place près de Fatima et deux de ses enfants. - Je n'habite pas très loin. Encore une fois, elle la rassure. Elle sera là pour les aider. Fatima lui est très reconnaissante. Après ces deux jours de voyage en mer, elle et sa famille apprécient à sa juste valeur une bonne nuit au calme après avoir pris des douches et bien dîner. Fatima a moins peur. En regardant de la fenêtre du salon, elle voit de grands bâtiments et lui parviennent les bruits des transports en commun. Si elle avait été encore au village, les montagnes du Djurdjura auraient surplombé tout le paysage. Les gens ne seraient pas en train de passer sans s'arrêter. Au village, tout le monde se connaissait. Et ce, quand ce n'était pas des membres de la famille. Ils la salueraient, demanderaient des nouvelles des enfants et de son mari. Si elle avait encore été au village, elle se dit, le cœur déchiré par la douleur que ses frères ou ses sœurs lui feraient la surprise de lui rendre visite. Ce temps lui paraît bien loin mais dans son cœur, en fermant les yeux, elle peut les voir et même les entendre. (À suivre) A. K. [email protected]