Tout le monde s'attend, pour des raisons d'ailleurs différentes, à des ajustements de la politique de change en cette période de baisse des avoirs en devises et de déficit budgétaire. Ces ajustements sont et seront d'autant plus incontournables que les deux seules variables de génération de devises de l'économie algérienne (quantités exportables et prix des hydrocarbures) sont durablement affectées de façon significative. Il faut savoir que nous avons bouclé l'année 2014 avec un déficit de la balance des paiements de 9 milliards de dollars après une année 2013 à peine équilibrée avec seulement 1 milliards de dollars d'excédent (source FMI). Cette tendance négative baissière se retrouvera en 2015 puisque la balance commerciale a déjà enregistré, au premier trimestre 2015, un déficit de 1,73 milliard de dollars. Il faut se rappeler à ce propos de la séquence 2008/2009 particulièrement erratique du point de vue de la balance des paiements. Ainsi au cours de l'année 2008 nous avions enregistré l'excédent le plus élevé obtenu en Algérie avec 34 milliards de dollars contre seulement un équilibre parfait l'année suivante de 2009 du fait là aussi de la chute brutale du prix du baril. Aujourd'hui la chose qui reste à connaître c'est simplement l'ampleur de ces ajustements pour en apprécier l'impact potentiel sur la croissance, l'emploi et l'inflation, sachant que les ajustements "mécaniques" ont été déjà opérés lors du second semestre 2014. Mais au préalable, rappelons brièvement quelques éléments historiques d'évolution du régime des changes en Algérie depuis l'indépendance. L'Algérie a d'abord connu un régime des changes dit de fixité de par son inclusion dans la "zone franc" avant que le pays n'obtienne sa souveraineté monétaire, ensuite dans l'ancrage du dinar algérien par rapport au franc français et enfin dans un ancrage multiple par rapport à un panier de devises. Ce dernier ancrage multiple est intervenu dès que les exportations d'hydrocarbures ont commencé à générer un flux important de devises en dollars. Ensuite il y a eu les dévaluations excessives et brutales des années 90, sous la pression notamment des institutions de Bretton Woods, qui ont fini par mettre à terre les tissus productifs publics et privés ; sans oublier la promulgation de la première loi sur la monnaie et le crédit (LMC). À présent nous sommes dans un régime de change à flottement dirigé et à convertibilité partielle. On dit "régime de change à flottement dirigé" parce que le renforcement ou à l'inverse le recul de la parité du dollar est répercuté sur le taux de change du dinar sachant que l'essentiel de nos devises est libellé en dollars. Par ailleurs le renchérissement du dollar par rapport à l'euro s'est déjà traduit par le resserrement de l'amplitude de change dollar/euro par rapport au dinar qui est passée de 30 DA à 20 DA. On dit ensuite "régime de change à convertibilité partielle" parce que cette dernière ne concerne que les opérations commerciales de biens et de services et donc exclut le mouvement des capitaux vers le reste du monde. On peut néanmoins observer qu'un premier coup de canif, dans une situation du reste contracyclique, a été porté à cette disposition par la possibilité offerte dorénavant aux opérateurs algériens publics et privés d'autoriser, au cas par cas, l'acquisition d'actifs industriels et technologiques à l'étranger. Ceci dit il est clair que la dépréciation du dinar, à l'instar de la rationalisation budgétaire, se prolongera dans les prochains mois mais de façon douce. Dépréciation parce que, pour le moment, la production nationale de biens et services est insuffisante en quantité et en qualité pour se substituer rapidement aux importations ; dépréciation aussi pour renchérir les importations qui verront leur volume et leur nature s'ajuster. Mais une dépréciation contrôlée car d'une part le dinar ne subit pas la pression de la dette externe, et d'autre part, il est adossé à des réserves de change longues sans l'existence desquelles une dévaluation forte serait immanquablement intervenue. À l'inverse le dinar s'appréciera au fur et à mesure que l'économie réelle investit plus et produit plus de biens et de services pour le marché domestique et l'exportation sur le moyen et le long termes. Sur le long terme justement, l'instrument qui calcule l'évolution du taux de change, rapporté au pouvoir d'achat, est la parité du pouvoir d'achat (PPA). J'avais traité ce type de question dans ma chronique du 15 avril 2015. J'y indiquais qu'une étude de la très libérale Université de Sherbrooke montrait que le PPA de l'Algérien était passé, en dollars courants, de 7611 dollars en 1000 à 13304 dollars en 2013. À titre de comparaison, en 2013, la même source donne un PPA de 11 092 dollars pour le Tunisien. Il est de 7200 dollars pour le Marocain, soit la moitié de celui de l'Algérien qui avait déjà atteint ce montant en 1998, c'est-à-dire à la sortie du programme d'ajustement structurel. Pour faire court, on voit bien que la notion de taux de change n'a de pertinence que si elle contextualisée dans le temps long et par rapport au pouvoir d'achat. Ce qui relativise les appréhensions conjoncturelles des ménages et des chefs d'entreprise. Sûrement pas les lobbies de l'importation. C'est ce qui explique aussi, vous l'aurez compris, la tiédeur des pouvoirs publics à ouvrir, pour le moment, le dossier des transferts sociaux et des subventions des produits de base. Malgré tout un tabou vient de tomber : celui d'un niveau de consommation rationnelle et limitée des carburants à prix indécemment subventionnés.