Pour l'orateur, la guerre des clans n'est pas la solution, mais la cause même du drame algérien. Après la marche organisée par son parti à Tizi Ouzou contre "l'austérité", Mohcine Belabbas, président du RCD, était, hier, l'invité du Forum de Liberté. D'emblée, l'orateur a souligné que sa formation politique a organisé, rien qu'en 2015, pas moins de huit marches populaires. La dernière en date aura consisté à dénoncer l'annulation de projets d'investissements structurants dans la wilaya de Tizi Ouzou, "marginalisée", selon lui, depuis le début des années 2000. "Grâce à la présence de nos élus dans les institutions, nous avons appris qu'un certain nombre de projets étaient en voie d'annulation dans la wilaya." Tout comme l'opinion publique générale, Mohcine Belabbas estime, lui aussi, que l'austérité devrait d'abord commencer par la réduction du train de vie de l'Etat. Il s'indignera également du "silence" assourdissant des syndicats qui font plutôt profil bas face à l'annonce de ces mesures d'austérité. "S'ils n'en parlent pas maintenant, quand le feront-ils ?", s'est-il interrogé. D'après lui, la crise économique a toujours existé en Algérie, "la nouveauté, c'est la crise financière". Bellabas n'hésite pas à évoquer, à cet égard, l'aveu d'échec du chef de l'Etat lequel, dans sa dernière déclaration, a reconnu l'inexistence d'une économie de production en Algérie, et ce, malgré une disponibilité financière massive et continue 15 années durant. S'agissant des remous politiques qui caractérisent présentement l'actualité nationale, l'invité de Liberté s'est refusé à accorder de l'importance à la supposée "guerre des clans" à laquelle nous serions en train d'assister : "Ce serait, pour nous, confondre les effets et les causes." Il faut dire que le président du RCD a un avis plutôt tranché sur la question : "La guerre des clans n'est pas la solution, mais la cause du drame algérien. Ceux qui ont toujours inscrit leur action dans les compétitions claniques doivent faire leur deuil de cet engagement à peu de frais et vain." De son point de vue, l'orateur relègue les récentes mesures portant "restructuration ou déstructuration" du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) presque au rang de "non-événement". Pour lui, elle vient surtout confirmer "l'incurie des tenants du pouvoir". "Au lieu d'un moment de débat transparent sur la redéfinition du rôle, des missions et du contrôle des services de renseignement par la loi, évalués à l'aune des mutations et des nouvelles menaces mondiales, on a assisté et on continue d'assister à des règlements de comptes entre les responsables du malheur national." De toute manière, pour le président du RCD, toute solution ne peut jaillir qu'en dehors d'un "système qui a causé notre ruine". Quant à la dissolution de la police politique, c'est, d'après lui, une mode dans l'air du temps depuis notamment 2011. "Et voilà même que certains prétendent que ce changement était attendu en Algérie depuis un quart de siècle !" Et de revenir sur le véritable rôle qui doit échoir à un service de renseignement. "La mission fondamentale et unique d'un service de renseignement est de collecter et d'analyser l'information au profit des responsables politiques ayant préalablement reçu un mandat populaire à travers des élections libres et transparentes pour aider à la prise de décisions qui touchent aux intérêts stratégiques du pays et aux questions de sécurité nationale qui englobent la défense du territoire, de la population, des ressources nationales et la préservation des capacités économiques de la nation." D'après lui, la nouvelle configuration n'offre rien de nouveau. "La police politique est toujours là, ce sont seulement ses prérogatives qui ont changé de main." C'est pourquoi, il faut, selon lui, vite sortir de ces luttes claniques et éviter surtout de les alimenter. Cela n'empêchera pas, néanmoins, les journalistes présents de revenir à la charge, notamment en ce qui concerne les arrestations des généraux Benhadid et Hassan, qui continuent à soulever des vagues. D'après lui, ces deux officiers supérieurs sont en train de vivre ce qu'endurent des milliers d'Algériens depuis très longtemps, un déni de justice. "S'il faut toujours dénoncer les violations faites aux droits de l'Homme et à la loi, ces généraux ont eux, à la limite, plus de moyens pour se défendre. Le destin de la nation ne saurait se confondre ainsi avec celui des généraux", a-t-il asséné. Et d'égrener, ensuite, les multiples arrestations de journalistes, de militants politiques, etc. "Les atteintes caractérisées à la liberté d'expression et d'opinion, la violation des droits des justiciables et les atteintes à la dignité des prévenus comme cela s'est vu au M'zab en l'absence de réactions officielles, même après une médiatisation soutenue, les menaces publiques sur les investisseurs non clientélisés démontrent que le système politique ne peut se départir de l'autoritarisme et de l'opacité qui suppose, entre autres abus, l'aliénation de la justice." Mais ce qui chiffonne par-dessus tout le leader du RCD, c'est la manière de lire ces événements. "Chaque fois que quelqu'un s'exprime, il est classé comme membre d'un clan ou d'un autre. Même la presse étrangère s'y met. On ne s'intéresse pas au contenu, mais on cherche surtout la finalité : à qui profitent ces déclarations pour vite cataloguer l'intervenant ?" Pour lui, il y a actuellement beaucoup de désinformations, de l'exagération, de la manipulation... Il considère que ce nouveau "clivage" est non seulement dangereux, mais il est également exploité précisément par les clans pour empêcher les gens de s'exprimer sous peine d'être classés dans un camp ou un autre. Interrogé sur la proposition d'Amar Saâdani à l'effet de constituer un "front", Mohcine Bellabas dit imaginer très bien que le secrétaire général du FLN ne s'adressait aucunement au RCD, ni encore à l'opposition, notamment celle organisée au sein de la CNLTD. Il fera même remarquer, à ce sujet, que Saâdani s'est précisément fait connaître sur la scène nationale en 1999 par son soutien au président Bouteflika. Ce dernier ne fait donc que persévérer presque 20 ans plus tard. Quant à son nouveau leitmotiv, à savoir "l'Etat civil", pour Mohcine Bellabas, la définition "a minima" de ce concept consisterait, d'abord, à organiser des élections libres, une revendication qui semble impossible à satisfaire dans les conditions actuelles. M.-C. L.