Le procès de l'affaire Sonatrach I a repris, hier, avec l'audition des deux fils de l'ancien P-DG de Sonatrach Mohamed Meziane, Mohamed-Réda et Bachir-Faouzi, ainsi que l'ancien P-DG du Crédit populaire algérien (CPA) El-Hachemi Meghaoui. Mohamed-Réda Meziane poursuivi pour constitution et organisation d'une association de malfaiteurs, trafic d'influence, corruption, participation dans la dilapidation de deniers publics et blanchiment d'argent, a commencé par tout nier avant d'avouer les faits qui lui sont reprochés au fur et à mesure des questions du juge Mohamed Regad. Le fils aîné de l'ancien P-DG de Sonatrach qui devrait être auditionné plus tard pour l'examen des conditions de passation du marché du GK3 avec Saipem, a, en effet, contesté le contenu des deux procès-verbaux de la Police judiciaire en ce qui concerne le contrats attribués au Groupement Contel Funkwerk, arguant que les enquêteurs du Département de renseignement et de sécurité (DRS) ont fait pression sur lui pour signer les deux documents datant respectivement des 17 et 19 décembre 2009, au bout de l'interrogatoire qui a duré quatre jours. "J'ai refusé de les signer mais ils m'ont menacé en ces termes : ‘Si vous ne les signez pas nous amènerons votre femme pour abuser d'elle ici même devant vos yeux.' Je n'avais pas le choix", a-t-il accusé. Le juge : "Vous êtes ici devant le tribunal criminel et vous êtes assisté par vos avocats. Vous avez toutes les garanties pour dire ce que vous voulez." En tout cas, la version des faits de Mohamed-Réda telle que racontée devant le tribunal criminel ne diffère pas beaucoup de celle consignée dans les procès-verbaux de la Police judiciaire et ceux du juge d'instruction. L'accusé a apporté quelques précisions qui l'enfoncent plutôt que de le disculper. Ainsi, et après que le juge l'eut remis à sa place, pour des propos jugés insolents par le tribunal : "Je nie tout et je vois que même en parlant des fils de Mohamed Meziane vous confondez par moments entre moi et mon frère." Et d'ajouter au juge qui lui a demandé de se présenter : "Je n'ai rien à déclarer, posez des questions, je répondrai !". "Ici vous êtes un accusé et vous devez respecter le tribunal !", a sermonné le juge. "Je me suis fâché contre Al-Ismaïl quand j'ai entendu parler des contrats de consulting" Le juge a, par la suite, relancé Mohamed-Réda quant à sa relation avec le patron de Contel Algeria Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl. "Je l'ai connu en 1992 au Lycée Omar-Ibn El-Khattab de Blida où j'ai fait ma classe terminale. Mais je l'ai perdu de vue dès 1996 quand je me suis installé en France pour poursuivre mes études. Et je ne l'ai revu qu'en avril 2004 à mon retour en Algérie pour assister au mariage de ma sœur. Je l'ai eu, en revanche, au téléphone en 2003. Il m'a demandé si j'envisageais de rentrer vu que la situation sécuritaire s'était améliorée et que les affaires marchaient bien dans le pays. Mais, j'avais un problème avec le Service national et je n'ai pas pu rentrer avant de régulariser ma situation", a répondu Mohamed-Réda. "Il vous a contacté avant ou après la nomination de votre père comme P-DG de Sonatrach ?", a interpellé le juge. "C'était après je pense. Mon frère Faouzi m'a appelé pour me dire qu'il a cherché après moi et qu'il a demandé mes coordonnées en France. À mon retour en Algérie, je l'ai rencontré au restaurant "La Marine" à la Madrague. Nous avons dîné ensemble. Il y avait avec nous son frère Moncef et mon frère Faouzi. Nous avons discuté du projet de création d'une société de transport", a-t-il précisé. "La négociation avec les Allemands de Funkwerk était votre idée ou celle d'Al-Ismaïl ?", a relancé le juge. "C'était l'idée d'Al-Ismaïl. Je ne connaissais pas cette société", a-t-il répliqué. "Mais vous avez aidé Contel à avoir un rendez-vous avec votre père à Sonatrach ?". "Je l'ai fait pour aider mon ami. J'ai d'ailleurs l'habitude d'aider les gens que je connais. Beaucoup se demandaient si je pouvais les aider à travailler à Sonatrach et je transmettais leurs dossiers à mon père. Cet ami a sollicité un rendez-vous. Je l'aurais fait avec n'importe quel autre. Je n'avais aucun intérêt". "Votre père savait que votre frère Faouzi était associé dans cette société au moment de passer les contrats ?". "Je ne sais pas mais je ne pense pas". "Vous ne vous adressez pas la parole au sein de votre famille ?". "Je vais peut-être vous étonner mais, nous avons grandi comme si ce père n'existait pas. Il était toujours pris par son travail. Il partait tôt le matin pour ne revenir que tard le soir et nous n'avons vraiment pas le temps de discuter des détails. Maintenant que nous sommes grands, il passe plus de temps avec nos enfants (ses petits-fils, ndlr) qu'avec nous", a-t-il regretté. Parlez-nous du contrat de consulting rédigé au nom de votre regrettée mère et retrouvé dans les documents d'Al-Ismaïl. "J'ai été prévenu en 2008 par mon frère qui a commencé à avoir des problèmes avec Al-Ismaïl qui lui a demandé de lui rendre les 200 parts qu'il détenait dans le Contel Algeria dès qu'il a entendu parler de la société de transport SMTC que nous avions créée avec d'autres associés. J'étais à ce moment-là actionnaire dans Contel Holding. Mon frère Faouzi m'a informé qu'Al-Ismaïl et les autres actionnaires disposaient de contrats de consulting avec le partenaire allemand Funkwerk Plettac et étaient rémunérés en euros. Je me suis fâché contre Al-Ismaïl en me disant pourquoi ne m'a-t-il pas proposé un tel contrat alors qu'il savait que j'étais en chômage en France et j'avais beaucoup de charges à payer. Je lui ai exprimé le fond de ma pensée au téléphone parce qu'il était en Allemagne. Contel Algeria m'a payé un billet d'avion pour aller le rencontrer à Nuremberg. Je l'ai rencontré dans un restaurant où il y avait un responsable de la société allemande qui m'a signifié que sa société ne peut m'établir un contrat". "Pourquoi ?" "Je ne sais pas, on ne me l'a pas expliqué mais je pense que c'est parce que j'étais fils du P-DG", a-t-il dit. "C'est pourquoi ils vous ont viré l'argent sur le compte d'Al-Ismaïl en France dont vous dites qu'il s'agit d'un prêt contracté auprès de ce dernier pour l'achat de l'appartement parisien ?", a questionné le juge. "Non ! c'était un prêt que j'ai remboursé en cédant mes actions dans la Holding". "Pourquoi n'avez-vous pas procédé par un virement direct sur votre compte ou celui de votre mère ?", a ajouté le juge. "L'appartement était une belle opportunité et il fallait faire vite", a-t-il conclu. Quand Bachir-Faouzi conteste le procès- verbal du DRS ! Souffrant d'un bobo au genou et marchant en s'aidant de béquilles, Bachir-Faouzi, le fils cadet de Mohamed Meziane, a été auditionné assis. Plus posé que son frère et, qui de l'avis du juge, donnait l'impression d'être plutôt l'aîné, Bachir-Faouzi a suivi la même démarche que son frère Mohamed-Réda en contestant le contenu du procès-verbal de la Police judiciaire, dénonçant une atmosphère de terreur à l'intérieur de la caserne où il a été interrogé. À ce moment, le juge, étonné, a sorti le procès-verbal en question pour le lire avant de s'adresser à Faouzi en ces termes : "Mais ce PV ne dit rien vous concernant. Toutes vos déclarations pratiquement ont été faites devant le juge d'instruction. Ne me dites pas que c'était pareil chez le juge d'instruction !". "Je devais être mis sous contrôle judiciaire avant que les agents du DRS qui nous ont présentés au parquet, ne fassent pression pour me placer sous mandat de dépôt. D'ailleurs, le juge d'instruction m'a remis les objets de valeur de mon frère, placé, lui, dès le départ, sous mandat de dépôt, avant de revenir sur son premier PV et me mettre en prison moi aussi", a révélé Bachir Faouzi. Le juge a néanmoins dû décider d'une pause après que Bachir-Faouzi eut éclaté en sanglots à cause de l'évocation de sa mère. Le juge lui avait demandé si son père Mohamed Meziane savait quelque chose au sujet de l'appartement acheté et enregistré au nom de sa mère. "Je ne sais pas mais comme mon frère l'a expliqué tout à l'heure, nous avons grandi sans notre père. Il a travaillé pendant toute sa vie pour l'Etat", a-t-il dit les larmes aux yeux. El-Hachemi Meghaoui a également nié les accusations portées à son encontre. "J'ai été engagé comme consultant à Contel et par la suite avec Funkwerk Plettac bien après la signature des contrats avec Sonatrach je ne vois pas pourquoi je suis là aujourd'hui accusé de constitution d'association de malfaiteurs. Et avec qui ? Mon fils qui ne lève pas les yeux en m'adressant la parole. Et de corruption ? Regardez mon curriculum vitae monsieur le président, j'étais haut cadre dans des entreprises publiques avant d'être P-DG du CPA (1998-2005). Je ne l'ai pas fait quand j'étais en mesure de le faire, je ne le ferai certainement pas après mon admission à la retraite. Pour la simple raison que je ne suis pas en position de donner ou recevoir des pots-de-vin", a-t-il clamé. L.H.