Musharraf semble enfin avoir pris conscience que la production du terrorisme islamiste s'effectue dans les médersas ayant essaimé au Pakistan au lendemain de l'occupation de l'Afghanistan par l'ex-Union soviétique. Ces écoles, financées par les richissimes du Golfe et les Etats-Unis, enseignaient le wahhabisme saoudien, l'idéologie qui a abreuvé l'islamisme politique dans sa version violente. Sous la pression de Washington, à qui, pratiquement, il doit la stabilité de son pouvoir, le président du Pakistan, Musharraf, consent enfin à s'attaquer aux médersas. Cette mesure a provoqué la colère des fondamentalistes qui défient Musharraf pressé par ses alliés occidentaux de lutter contre le terrorisme. Les médersas — qui ont formé au moins deux générations de terroristes et qui ont alimenté le terrorisme islamiste, partout à travers le monde grâce à Al Qaïda, fondée par Ben Laden, un fils de l'establishment saoudien déchu de sa nationalité — doivent désormais obtenir obligatoirement l'autorisation gouvernementale sur la base d'un dossier comprenant leurs programmes scolaires, la liste de leurs enseignants et leur financement. Le décret, adopté le 25 août, dans le cadre de la lutte contre l'islamisme, ordonne à quelque 10 000 médersas de s'inscrire officiellement auprès des autorités sous peine de fermeture. Il leur interdit également “d'enseigner ou de publier des textes prônant le militantisme islamiste ou développant la haine religieuse”. Une révolution au Pakistan travaillée de fond en comble par l'islamisme. Les écoles, qui ne se seront pas conformées à la loi avant le 31 décembre, seront fermées dès le 1er janvier 2006, a averti le ministre des Affaires religieuses, qui promet une “tolérance zéro contre le terrorisme, le sectarisme et les écrits à caractère haineux”. Les fondamentalistes ont vivement critiqué la mesure et promis de résister à l'application du décret. Le porte-parole du groupement des médersas, le leader du Djamiat Ulama-el-islam, qui contrôle la majeure partie des écoles du pays, ne veut pas entendre parler de réformes de fond, qui touchent au contenu même du wahhabisme. Les médersas accueillent gratuitement plus d'un million de jeunes à qui n'est dispensé que l'enseignement de l'islam dans la lecture rétrograde des cheikhs saoudiens. Des enquêtes ont prouvé que la plupart d'entre elles abritent également des écoles du djihad. Islamabad est pressé d'agir pour contrôler ses médersas depuis la découverte que trois des auteurs de l'attentat du 7 juillet à Londres étaient des Britanniques d'origine pakistanaise et que deux au moins s'étaient rendus avant les attaques au Pakistan où ils ont fait des études dans une médersa. Musharraf, allié-clé des Etats-Unis dans la guerre contre le terrorisme, avait ordonné le mois dernier une vaste opération contre les extrémistes pakistanais. Plus de 800 suspects ont été arrêtés dans différents raids menés par les forces de sécurité. Islamabad s'est aussi engagé à expulser quelque 1 400 étrangers inscrits dans les médersas. Autre signe de bonne volonté de Musharraf, les élections locales, organisées à la mi-août, ont, apparemment, rejeté, pour la première fois au Pakistan, les candidatures de radicaux ! Avant les élections, Musharraf avait appelé ses concitoyens à rejeter les éléments politiquement et socialement rétrogrades. Les partis proches de Musharraf ont raflé la mise tandis que l'opposition parle d'une fraude généralisée. D. Bouatta