La commémoration du 36e anniversaire du Printemps berbère intervient dans une conjoncture politique particulière. L'intention du pouvoir politique de récupérer cette date repère dans le combat démocratique algérien en actionnant ses relais locaux en Kabylie par l'organisation des festivités commémoratives pour lui donner un cachet officiel tout en interdisant des activités programmées par d'autres organisations autonomes. À Béjaïa, deux appels distincts à des marches ont été lancés, l'un par le RCD et l'autre par le MAK, pour marquer ce 36e anniversaire. La marche du RCD est prévue depuis la maison de la culture Taos-Amrouche jusqu'à la placette de la liberté de la presse Saïd-Mekbel ; celle du MAK est prévue du campus Targa-Ouzemour vers la placette Saïd-Mekbel également. Ces deux marches seront-elles empêchées ? C'est la question qui taraude les esprits car le spectre d'un empêchement de ces manifestations plane. "Notre marche aura lieu. Et advienne que pourra. Elle sera pacifique comme toujours, mais si le pouvoir est tenté de la réprimer, il assumera seul la responsabilité qui en découlera", nous a déclaré sur un ton ferme le président du BR du RCD, Mouloud Deboub, dont le parti a mis les bouchées doubles pour ratisser large. "Le 20 Avril appartient à la rue. Il est hors de question de laisser le pouvoir l'accaparer et le pervertir ensuite comme c'est fait pour les autres dates historiques : le 1er Novembre, le 5 Juillet et le 19 Mars", ajoute-t-il en substance. Pour le pouvoir qui se gargarise d'avoir officialisé tamazight, le RCD réplique par un mot d'ordre qui sera scandé lors de sa marche : "Pour l'officialisation effective de tamazight." Et aussi : "Pour la levée des interdictions sur toutes les libertés démocratiques" et "Pour le maintien des projets socioéconomiques programmés", qui rythmeront aussi la marche du RCD. "Nous avons toujours célébré le double anniversaire du Printemps berbère et du Printemps noir dans un cadre pacifique. Maintenant, si le pouvoir veut nous provoquer, qu'il assume ses responsabilités quant aux dérapages qui en découleront", nous a déclaré Farid Djenadi, secrétaire général du MAK, dont la marche se veut pour "l'indépendance de la Kabylie et pour une Kabylie laïque". Pour nombre d'observateurs politiques, le pouvoir peut recourir à l'empêchement musclé de ces marches pour créer une diversion. "Maintenant que le pouvoir est dénudé par les scandales de corruption et la santé du chef de l'Etat qu'il ne peut plus cacher, il peut, une fois de trop, imaginer ce scénario de diversion", nous a déclaré un vieux militant de la cause identitaire. Des militants politiques avertis craignent que le pouvoir agisse sournoisement pour la disqualification du MOB, qui affrontera, aujourd'hui, au stade de l'Unité maghrébine, le Zamalek pour le compte du match retour de la Ligue des champions d'Afrique, afin de provoquer la colère des supporters et créer des troubles à la veille de ces marches. "Le pouvoir est connu pour ses sournoiseries. C'est une éventualité à ne pas écarter pour justifier le déploiement des policiers dans les artères de la ville de Béjaïa", alertent certains militants politiques. Des appels à la vigilance fusent de partout, mais la balle est dans le camp du pouvoir politique. L. O.