Les difficultés pour dégager un consensus sur les réformes nécessaires risquent de compliquer leur mise en œuvre et, en fin de compte, de se traduire par un ajustement plus brutal. Les perspectives économiques dépendent largement de la réaction des autorités au choc du prix du pétrole, estime le chef de mission du FMI pour l'Algérie, Jean-François Dauphin, dans un entretien avec le Bulletin du Fonds monétaire international (FMI). Pour Jean-François Dauphin, "grâce à l'épargne accumulée par le passé et à un très faible endettement, l'Algérie peut se permettre de s'ajuster au choc et de faire progressivement des réformes. Mais elle ne peut pas laisser passer cette occasion sans agir". Le chef de mission du FMI pour l'Algérie avertit que "des réformes insuffisantes risqueraient de déboucher sur des difficultés économiques sévères si l'épuisement des marges de manœuvre budgétaire et extérieur rendait nécessaire un ajustement plus soudain et plus draconien". Selon Jean-François Dauphin, "pour créer davantage d'emplois et assurer une croissance plus inclusive, les autorités doivent transformer le modèle de croissance de l'Algérie dirigé par l'Etat et basé sur les hydrocarbures en un modèle plus diversifié tiré par le secteur privé". Cette transformation exigera un ambitieux programme de réformes structurelles. Les réformes-clés incluent non seulement l'amélioration du climat des affaires, en simplifiant la réglementation et les procédures administratives et en facilitant le démarrage des entreprises, mais aussi l'ouverture de l'économie au commerce et aux investissements moyennant l'amélioration de l'accès au financement, du développement des marchés de capitaux et du renforcement de la gouvernance, de la concurrence et de la transparence. Jean-François Dauphin estime que le rééquilibrage des finances publiques est nécessaire pour rétablir la viabilité budgétaire et appuyer l'ajustement extérieur ; son impact sur la croissance peut être atténué par des réformes structurelles. "Ce rééquilibrage doit se faire sur plusieurs fronts : il faut mobiliser des recettes accrues hors hydrocarbures, notamment en réduisant les exonérations fiscales et en renforçant le recouvrement des impôts, maîtriser les dépenses courantes, réaliser de nouvelles réformes des subventions tout en protégeant les pauvres, réduire les investissements publics tout en accroissant nettement leur efficacité et consolider le cadre budgétaire", recommande-t-il. "Nous avons estimé qu'en 2015, les subventions avaient coûté 14% du PIB", a indiqué Jean-François Dauphin. Leur coût budgétaire n'est pas le seul problème, selon lui. "Les subventions sont largement inéquitables car elles profitent aux riches beaucoup plus qu'aux pauvres", explique M. Dauphin, estimant qu'une nouvelle réduction généralisée et progressive des subventions qui seraient remplacées par un système de transfert de liquide bien ciblé pour protéger les ménages les plus vulnérables rendrait le système plus juste, tout en réduisant son coût. Jean-François Dauphin relève qu'avec la baisse rapide de l'épargne budgétaire, l'Algérie devra davantage compter sur d'autres sources pour financer les futurs déficits. "Les faibles niveaux d'endettement permettent d'accroître les emprunts, alors que l'ouverture, dans la transparence, du capital de certaines entreprises publiques aux investisseurs privés, contribuerait aussi à satisfaire leurs besoins de financement tout en améliorant leur gouvernance", indique le chef de mission du FMI pour l'Algérie, avertissant que "les difficultés pour dégager un consensus sur les réformes nécessaires risquent de compliquer leur mise en œuvre et, en fin de compte, de se traduire par un ajustement plus brutal". Meziane Rabhi