Un confrère a titré “cinq colonnes à la une” que l'Algérie peut aider les Etats-Unis, suggérant par là que la lutte antiterroriste, dans notre pays, fut exemplaire. Bien sûr, toute expérience a des vertus pédagogiques pour qui sait en tirer des leçons. Et si le Congrès américain s'est penché sur le cas algérien, ce n'est pas nécessairement pour le plagier. Car, indépendamment de l'intérêt instructif qu'il peut susciter chez d'autres pays ciblés par le terrorisme islamiste et des bienveillants éloges qu'il peut nous valoir dans de complaisantes circonstances, la lutte contre le terrorisme algérien n'a, en rien, été un modèle du genre. Quand les terroristes ont surpris dès 1991 une caserne du côté d'El-Oued et quelques mois plus tard une patrouille rue Bouzrina, à Alger, ni les militaires ni les policiers ciblés ne semblaient s'attendre à ces traîtresses attaques. Leur Etat n'avait pas vu le danger arriver. Au moment où l'intégrisme s'armait, au nez et à la barbe de toutes les institutions à prétention républicaine, celles-ci s'employaient à convaincre les démocrates intolérants d'admettre l'intégrisme comme sensibilité représentative d'une large portion de la société. Et les politiques du pouvoir cherchaient le moyen — déjà — de composer avec le radicalisme islamique. Il n'y a eu aucun effort d'anticipation pour prévenir les intentions d'un mouvement qui n'a pourtant jamais caché ses belliqueux projets. Il les avait d'ailleurs clairement consignés dès 1991 dans une certaine “déclaration en vingt-deux points”. Chacun a dû improviser sa réaction en fonction de ses convictions et de son courage propre ! Sur le terrain, les forces de l'ordre de différents corps ont payé le prix fort pour éviter l'effondrement national. Mais le pouvoir n'a jamais assumé l'affrontement politique et militaire que l'intégrisme lui a imposé. Et lui impose encore ! Les pratiques de bacs de terre sur les trottoirs pour éloigner les passants et se protéger des véhicules piégés, de rues fermées la nuit parce qu'elles abritent des postes de police ou des brigades, d'abandon de zones entières au “pouvoir de la nuit” ne peuvent constituer de bons modèles de riposte pour éloigner le péril barbare. Bien sûr que des résolutions sont venues parfois rattraper tardivement le déficit, comme l'armement des résistants ou des initiatives offensives à l'image de l'opération inaugurale de Ouled Allel. Mais avec quel retard ! On connaît les conséquences politiques de la sacralisation politicienne de la guerre de Libération pour ne pas relativiser la “pureté” de l'épisode terroriste. Avec un bilan de 150 000 victimes, il n'y a pas lieu de pavoiser, surtout qu'elles ont été sacrifiées une seconde fois sur l'autel de la réconciliation. Ce bilan est le fruit de la barbarie des islamistes, mais l'imprévoyance, les hésitations tactiques et la tentation réconciliatrice l'ont certainement aggravé. La duplicité politique a empêché de faire de notre épreuve un exemple de stratégie antiterroriste. Là aussi, l'amnésie est à l'œuvre. Et la légende s'apprête à réviser l'Histoire. M. H.