Pour Zina Ikhlef-Ouagueni, "dresser ainsi, sans raison, des obstacles devant les projets de Rebrab, c'est priver des milliers de chômeurs d'un travail". "On ne peut passer les intérêts du parti avant les intérêts du pays." C'est ainsi que la députée Zina Ikhlef-Ouagueni explique sa virulente intervention de la semaine dernière à l'Assemblée nationale, contre le ministre de l'Industrie, Abdeslam Bouchouareb, à qui elle reprochait un blocage quasi systématique des projets de l'industriel Issad Rebrab, le patron du groupe Cevital. Le réquisitoire de la députée aurait été des plus banals tant elle est complètement dans son rôle d'adresser aux membres de l'Exécutif les critiques qu'elle estime opportunes. Mais la députée est une élue RND de la wilaya de Béjaïa, autant dire de la même formation politique que le ministre qu'elle critique. La députée que nous avons rencontrée hier affirme assumer pleinement le rôle de représentante de la population qui l'a mandatée. "Je ne défends pas Rebrab en tant que tel. Ce qui m'intéresse c'est ce qu'il apporte aux populations et au pays en termes d'emplois et de richesses. Et sur ce plan, cet opérateur n'est plus à présenter, lui qui est reçu par les chefs d'Etat étrangers, alors que plusieurs de ses projets sont bloqués en Algérie de manière abusive par les autorités qui sont censées lui ouvrir les portes pour tirer profit de ses initiatives", soutient-elle. Mais ce qui semble écœurer le plus Mme Ikhlef-Ouagueni c'est la politique de deux poids deux mesures qu'entretient le gouvernement dans l'autorisation des projets d'investissement. "On ouvre les portes à certains et pas à d'autres. Pourquoi ? Certains sont-ils plus Algériens que d'autres ?", s'interroge-t-elle, d'ailleurs, en dénonçant, dans la foulée, "les facilitations accordées à des gens qui ne font que s'enrichir sur le dos de l'Etat qui ne tire aucun profit de leurs activités souvent informelles". C'est donc cette situation aberrante qui a dicté à la députée sa fameuse interpellation du ministre de l'Industrie, lors du débat autour du projet relatif à la loi portant orientation de la PME. Revendiquant sa liberté d'exprimer ses idées et ses pensées sans, toutefois, dévier de la ligne de son parti, Mme Ikhlef-Ouagueni assure que tout ce qui la fait réagir ce sont les intérêts de la population qu'elle représente. "En tant que députée, j'ai ouvert une permanence dans la ville de Béjaïa. C'est là que je reçois les plaintes et autres réclamations des citoyens sur les problèmes qu'ils vivent, à commencer par le chômage", nous confie-t-elle. Elle exprime sa profonde reconnaissance "pour tout ce qu'a fait M. Issad Rebrab qui a créé des milliers de postes d'emploi pas seulement à Béjaïa, mais partout sur le territoire national". Pour elle, "dresser ainsi, sans raison, des obstacles devant les projets de Rebrab, c'est priver des milliers de chômeurs d'un travail". "Ce que personne ne peut cautionner", soutient-elle, mettant en avant le discours ambiant au niveau du gouvernement foncièrement favorable au développement de l'investissement afin de faire face à la chute drastique des recettes provenant des exportations d'hydrocarbures. La députée de Béjaïa a donc pris ses responsabilités d'interpeller directement et de manière acerbe le ministre en charge de l'Industrie quitte à froisser ses camarades dans le parti. Dans son intervention, la semaine dernière, à l'APN, elle avait surtout reproché à M. Bouchouareb "sa contradiction et ses mauvaises intentions" dans le traiment réservé aux projets de M. Rebrab. Elle avait cité, entre autres projets du groupe Cevital bloqués par les autorités, l'unité de trituration des graines oléagineuses, prévue à Béjaïa, et ce, au moment où toutes les facilitations et les autorisations ont été octroyées à un autre opérateur pour la même activité dans une wilaya voisine. "Un tel projet aurait permis de créer un millier d'emplois directs et des milliers d'autres indirects et de faire passer l'Algérie de pays importateur à exportateur dans ce créneau", assure-t-elle. Comment ses collègues du parti et les autres députés ont-ils accueilli ses critiques contre la politique du ministre de l'Industrie ? "Je ne vous cache pas que certains députés du RND me l'ont reprochée. D'autres m'ont tout simplement boudée. D'autres m'ont félicitée et encouragée, sachant que je n'ai dit que la vérité. Nous ne devons pas nous taire. Nous sommes des élus", se justifie-t-elle, tirant à boulets rouges sur "les députés qui n'assument pas leurs responsabilités parce qu'ils ont pris des crédits bancaires qu'ils ne peuvent rembourser et qui sont protégés par l'immunité parlementaire". Hamid SaIdani