"Ici, les gens dorment le jour, pour récupérer de la fatigue des nuits blanches qu'ils passent à veiller leurs familles contre le risque d'effondrement de leur maison." Les habitants de la douéra sise au 3, rue Kadi-Saïd (ex-Annibal) dans la Haute Casbah passent la nuit à la belle étoile, depuis qu'il y a eu l'affaissement du plafond de leur chambre durant la nuit du 23 au 24 janvier, à la suite d'intenses averses qui s'étaient déversées sur Alger. Et depuis, ces malheureux se protègent de la pluie à l'aide d'une minuscule toile en plastique, sur laquelle s'amoncellent l'eau pluviale et la buée de l'humidité. Située à l'angle de l'Aïn M'zawqa (la fontaine peinte) qui est également contiguë à l'allée de Sidi Dris Hamidouche, la douéra est conçue de deux pièces tout en débris dans une cour qui est tout autant en ruine. En ce lieu où le carrelage de la cour s'en trouve inondé, trois familles B. M., C. M. et H. M. cohabitent dans l'exiguïté d'une douéra, où la terre fragile se détache du plancher des trois minuscules boudoirs situés sur la terrasse. Accompagné de Mahiout Khaled, l'artisan en ébénisterie d'art, nous fûmes reçu par l'enfant Réda qui nous fit les présentations et le tour du propriétaire au milieu des gens de la maisonnée qui dormaient dans les allées, pendant que d'autres avaient bâti des refuges de fortune sur la terrasse qui menace aussi de s'effondrer. "Ici, les gens dorment le jour, pour récupérer de la fatigue des nuits blanches qu'ils passent à veiller leurs familles contre le risque d'effondrement de leur maison", a-t-on su de notre guide. Outre le sol bombé de la cour, parce qu'il est gorgé d'eau pluviale, le parterre ondule d'effrayantes inclinaisons et la maçonnerie centenaire du plafond s'en va en plaques entières. C'est qu'il s'agit de faire attention où mettre le pied, notamment sur les marches de l'escalier qui s'ouvre sur la terrasse où, à chacun de nos pas, répondent d'inquiétants craquements. Que dire ? Si ce n'est l'honnêteté d'affirmer que la responsabilité des habitants de la douéra s'en trouve dûment engagée, à cause de la masse volumique d'imposants meubles qui s'ajoutent ainsi à la vétusté des poutrelles usées jusqu'aux noyaux et de la pierre. Mais peut-on s'interdire de vivre et de se passer d'un réfrigérateur et d'un lave-linge ? Que dire ? Si ce n'est que le danger est patent. Autre dilemme, le maire de la Casbah, Ibadioune Rachid, n'est d'aucun secours pour ces malheureux, du fait que l'îlot de Sidi Ramdane est inclus dans le plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur de la Casbah d'Alger. Donc, pas touche ! "L'exécutif communal de la Casbah s'interdit d'ordonner l'apport de la moindre truelle de chaux de rivière aux murs décrépis de la vieille médina, sous peine de soulever l'ire de la wilaya d'Alger, qui a la charge de la conduite des travaux de confortement et de restauration de ce site classé depuis 1992 par l'Unesco au patrimoine universel de l'humanité", a déclaré le président de l'APC, qui est tenu à l'écart de la mise en valeur de la séculaire médina. Du reste, les murs de douérate de l'ancienne z'niqa Annibal dans l'îlot de Sidi Ramdane ont tout l'air d'une éponge gorgée d'eau. D'ailleurs, que reste-t-il de cette venelle, si ce n'est des ruines et des éboulis, que d'autres sans-logis squattent dans une cité qui a tout l'air d'une zone de "non-droit". En témoignent les décharges sauvages créées près de la fontaine de Bir Djebah, où s'amoncellent des gravats mais aussi des détritus de toutes sortes. Et à l'heure où nous mettons sous presse, les vestiges de la douéra qui s'était écroulée en 1994 au 74, Sidi Dris Hamidouche, menace de s'effondrer sur la douéra 76, où habite notre guide Mahiout Khaled. Louhal Noureddine