La grogne des étudiants en génie biomédical, en pharmacie et en chirurgie dentaire est en train de se transformer en un bras de fer avec le département d'Abdelmalek Boudiaf. Le débrayage ne cesse de s'amplifier et de se propager. À l'université Akli-Mohand-Oulhadj de Bouira, lieu de "gestation" de cette fronde, les étudiants en sont à un mois de grève et ne semblent pas vouloir lâcher prise. Leur revendication demeure la reconnaissance de leurs diplômes par la Fonction publique pour avoir accès à l'emploi dans les structures de santé publique. "Notre revendication ne porte pas uniquement sur la reconnaissance des diplômes, mais aussi sur le fait de trouver un emploi après leur obtention", précisera Kaci, un des leaders de ce mouvement. Notre interlocuteur révélera qu'un émissaire de la Fonction publique a rencontré les grévistes mais n'a apporté aucune solution. "Les services de la DGFP nous ont envoyé un émissaire pour nous faire la morale. Nous ne sommes plus des gamins, nous voulons du concret", dira-t-il. En colère, les étudiants en pharmacie d' Oran déclarent : "Nous sommes choqués, trois mois de grève et maintenant ils frappent nos camarades, c'est de la hogra ! Mais nous ne voulons pas arrêter la grève, nous allons réagir parce que nos revendications sont légitimes." C'est à chaud qu'un délégué, étudiant en pharmacie à Oran, a réagi pour nous, au moment où nombre de ses camarades et d'autres étudiants, venus de plusieurs wilayas, se faisaient malmener à Alger, lors d'un sit-in devant l'hôpital Mustapha-Pacha. L'intervention des forces de l'ordre contre des étudiants a été suivie avec douleur et colère par des étudiants qui en sont à leur troisième mois de grève, à l'échelle nationale. Une situation de pourrissement qui explique le choix des étudiants regroupés dans une coordination de manifester pacifiquement à Alger, espérant pouvoir se faire entendre. Rien n'y fait jusqu'ici puisque les témoignages que nous avons, expliquent que les étudiants ont été mis dans des bus de force et conduits hors d'Alger. Pourtant, pour les étudiants en pharmacie, un espoir est venu à travers la signature d'un PV ayant sanctionné une rencontre avec le ministre de l'Enseignement supérieur. "Le PV de la rencontre reprend la plupart de nos revendications, c'est un bon signe, même si le ministre de la Santé qui est concerné par certains points, refuse de nous recevoir", explique l'un de nos interlocuteurs. Des assemblées dans les jours à venir vont probablement avoir lieu, suite à la répression et à l'absence de volonté des pouvoirs publics de mettre fin au conflit, qui va, s'il perdure, acter une année blanche. Par ailleurs, à Oran, ce sont les étudiants en médecine dentaire, en grève depuis un mois et demi, qui ont tenu une assemblée générale hier matin. Mis en garde par des professeurs sur les risques qu'ils encourent en cas de poursuite de la grève, les étudiants ont dit "assumer", selon leurs déclarations. Tout comme leurs camarades de pharmacie, ces étudiants également avaient été confrontés, mercredi dernier, aux forces de police qui ont empêché un sit-in devant le Palais du gouvernement. Grève maintenue à Tizi Ouzou Les étudiants en médecine dentaire et en pharmacie de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou maintiennent leur grève déclenchée depuis plusieurs semaines. Avant-hier, les étudiants en médecine dentaire ont renoué avec la protestation en organisant un sit-in devant la direction du CHU Nedir-Mohamed. Cette nouvelle action intervient après celle organisée la semaine dernière dans la capitale où les étudiants de médecine dentaire et leurs camarades pharmaciens avaient été empêchés par la police de marcher vers le Palais du gouvernement. À travers cette action, organisée à l'appel de leur coordination nationale, ces étudiants revendiquent, encore une fois, "l'application et l'attribution de la catégorie 16 aux docteurs en médecine dentaire, la reconnaissance du mémoire de fin d'études comme condition de délivrance du diplôme de docteur, la révision du programme pratique de la 6e année, l'ouverture de nouvelles spécialités, l'augmentation du nombre de postes et l'augmentation de la bourse en cycle clinique...." Par ailleurs, la coordination nationale des étudiants en médecine dentaire compte adresser prochainement une lettre ouverte au président de la République "pour une intervention immédiate afin de trouver les solutions appropriées à nos doléances". Même situation au département pharmacie de l'université Mouloud-Mammeri, paralysé, encore hier, par le débrayage des étudiants contre "l'insuffisance de postes de résidanat, le manque de nouvelles spécialités et l'exigence d'une formation de meilleure qualité". Pis encore, il régnait hier, au niveau de ce département, un climat de consternation, d'indignation et d'inquiétude suite au passage à tabac des étudiants en pharmacie qui avaient effectué un déplacement à Alger-Centre, hier matin, pour observer un sit-in devant le CHU Mustapha- Pacha, en compagnie de nombreux étudiants venus d'autres régions du pays. Par ailleurs, les étudiants en pharmacie et en médecine dentaire sont plus que jamais outrés par l'absence de dialogue, la répression et les pressions exercées contre eux pour mettre fin à leur mouvement. "Nous aurions bien voulu que nos décideurs fassent des efforts pour nous écouter au lieu de charger la police à nous matraquer sauvagement et sans aucune retenue", relève avec amertume un étudiant en pharmacie rencontré au complexe biomédical de l'Université Mouloud-Mammeri, à Hasnaoua. Enfin, contrairement aux autres wilayas du pays, les étudiants en pharmacie et en chirurgie dentaire de Constantine n'ont pas maintenu le mouvement de protestation qu'ils avaient entamé les jours précédents. En effet, aucun mouvement de protestation n'a été observé, hier, par les étudiants des deux spécialités concernées. Toutefois, selon certains étudiants, d'autres sit-in seront observés dans les jours à venir. R. B./D. L./K. Tighilt/I. BOUKHALFA