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Khider reste un inconnu pour les jeunes algériens
Malgré sa contribution et son apport à la Révolution
Publié dans Liberté le 16 - 03 - 2017

Dans son livre « L'affaire Khider, histoire d'un crime d'Etat impuni », Tarik Khider revient sur l'enquête de la justice espagnole, qui devait aboutir à l'éclatement de la vérité sur la mort de son père.
Les éditions Koukou ont édité récemment le livre de Tarik Khider, intitulé : "L'affaire Khider, histoire d'un crime d'Etat impuni" (*). C'est un témoignage sur le combat de Mohamed Khider, un des chefs historiques de la révolution algérienne. « Raconter sa vie, ses combats est (...) un devoir », écrit l'auteur. Mais, pour ce dernier, ce récit est aussi « une façon de lui rendre justice, en retraçant une page dense et tragique de notre histoire tourmentée ». Comme l'indique le titre de l'ouvrage, c'est une invitation pour revisiter la vie et le parcours révolutionnaire du militant nationaliste, ainsi que les premières années d'indépendance. Au sortir d'une longue colonisation ayant duré plus d'un siècle et d'une guerre très difficile de plus de sept années, les nouveaux dirigeants de l'Algérie, qui s'étaient alors imposés, ne toléraient pas les voix discordantes des « frères », allant jusqu'à sacrifier bon nombre d'eux au nom de l'unicité et de l'autorité de l'Etat. Dans « L'affaire Khider », l'auteur consacre plusieurs chapitres à la crise du FLN, au conflit Khider/ Ben Bella, de même qu'aux souffrances et aux épreuves traversées par son père, même après le coup d'Etat de Houari Boumediène en 1965, avant d'entamer les « derniers jours » de Mohamed Khider et les « détails » de son assassinat, un certain 3 janvier 1967, en Espagne. « Dans la soirée du 3 janvier 1967, au bas de son domicile situé au numéro 26 de la rue San Francisco de Sales, à Madrid, Mohamed Khider tombe sous les balles d'un assassin », écrit Tarik Khider, en attestant que ce « crime politique » est le fait de « l'Etat algérien ». L'auteur, qui n'avait que 13 ans au moment du drame, affirme même que le régime algérien est derrière « l'élimination physique » des opposants politiques ou personnalités qui n'étaient pas « dans les grâces du clan dominant » citant entre autres victimes Mohamed Khider, Mohamed Khemisti, les colonels Abbès et Chaâbani, Ali Mecili et Mohamed Boudiaf.
Qui est Mohamed Khider ?
Né le 13 mars 1912 à Alger, Mohamed Khider est issu d'une famille modeste originaire de Biskra. Encore adolescent, il prend conscience de la réalité politique du pays et milite très tôt en faveur de l'indépendance. L'histoire de Khider est l'histoire d'un des pionniers du nationalisme algérien et de la guerre de Libération nationale, dont le destin s'est confondu avec celui de son pays, de ses crises et de ses tourments : adhésion à l'Etoile nord-africaine (ENA), puis au PPA ; responsabilité en tant qu'élu permanent de ce parti en qualité de secrétaire du bureau d'Alger et trésorier de la section Alger marine ; arrestations après la dissolution du PPA, puis après les massacres du 8 mai 1945 ; contribution à la création du MTLD (parti légal) et de l'Organisation spéciale (OS, secrète) ; participation dans l'attaque de la poste d'Oran, initiée par l'OS ; installation au Caire pour diriger la section algérienne du Bureau du Maghreb ; contribution à la création du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA), puis à celle du FLN et de son bras armé, l'ALN. Figure incontournable du combat pour la décolonisation de l'Algérie, Mohamed Khider fera partie du CNRA et, plus tard, du GPRA. A l'indépendance du pays, ce dernier, alors secrétaire général et trésorier du parti FLN, est contraint à l'exil, suite à des divergences avec le président Ben Bella. L'opposant algérien est accusé par ce dernier et par Boumediène d'avoir détourné les fonds du FLN qu'il gérait : l'affaire du "trésor du FLN" est désormais mise en avant. En 1965, Khider est de ceux qui dénoncent le coup d'Etat de Boumediène et déclare haut et fort son opposition au nouveau régime.
Aucune réhabilitation à l'horizon...
Dans son livre, le fils de Mohamed Khider revient sur l'enquête de la justice espagnole, qui devait aboutir à l'éclatement de la vérité sur la mort de l'opposant algérien. Seulement, pour raison d'Etat, la justice espagnole gardera le silence, précise l'auteur, alors que les enquêteurs de ce pays, en possession de « preuves », avaient conclu à la culpabilité du pouvoir algérien. Tarik Khider révèle le nom de l'assassin de son père, identifié et condamné par contumace : un certain Youcef Dakhmouch, un truand travaillant pour le compte de la Sécurité militaire et agissant « sur ordre d'un certain Rabah Boukhalfa qui faisait office d'attaché culturel à l'ambassade d'Algérie à Madrid ». Il déplore que ce dernier ait échappé aux enquêteurs espagnols, grâce à son « immunité » diplomatique. « La demande faite par l'Etat algérien à la France de reconnaître les effets destructeurs de la colonisation et toutes les atrocités et crimes commis durant la période coloniale, est compréhensible et légitime », indique l'auteur dans sa conclusion, tout en reprochant à ce même Etat de « camoufler des vérités et (de) travestir l'histoire ». Le fils de Khider qui s'est consacré, ces dernières décennies, à la recherche de la vérité et à la défense de sa mémoire contre « les calomnies officielles », est pourtant persuadé que l'Etat algérien doit se remettre en question pour retrouver « une crédibilité, perdue depuis bien longtemps » et pour permettre à la jeune génération, en perte « de repères et d'espoir » de « connaître et (de) reconnaître avec fierté l'histoire réelle de son pays ». Plus loin, l'auteur n'écarte pas l'idée qu'il « faudra sans doute attendre l'extinction de la génération ayant vécu la guerre de Libération nationale, pour dépasser les pesanteurs du passé et pour regarder l'avenir avec la détermination sereine de l'espoir retrouvé ».
Malgré son apport à l'histoire contemporaine de l'Algérie, Mohamed Khider fait l'objet d'une exclusion qui ne dit pas son nom, devenant au fil du temps un parfait inconnu pour ses concitoyens. A l'heure de l'offensive des révisionnistes, le silence des manuels scolaires sur ce Moudjahid, symbole de l'opposition algérienne, est pour le moins injuste, sinon mortel. Il est aussi anormal qu'aucune rue ni aéroport ne porte le nom de Mohamed Khider. Le moment n'est-il pas venu pour entamer sa réhabilitation, accompagnée de toute la vérité sur les circonstances de sa mort et sur la fameuse histoire du « trésor du FLN » ?
Hafida Ameyar
"L'affaire Khider, histoire d'un crime d'Etat impuni" de Tarik Khider, éditions Koukou, 2017, 256 pages, 800 DA.


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