Mahmoud Boudarène cite les événements des années 1980 et 2001 en Kabylie ainsi que ceux d'Octobre1988 face auxquels la réponse du pouvoir était sanglante. "La violence est devenue ordinaire dans notre pays. Notre société est à bout de nerfs." C'est par ce constat que le psychiatre et ancien député Mahmoud Boudarène entame l'introduction de son dernier livre intitulé La violence sociale en Algérie, comprendre son émergence et sa progression. L'auteur estime que les violences dans le pays ont débuté avec les purges commises durant la guerre de Libération et à l'Indépendance contre les frères d'armes. "Les emprisonnements et les assassinats ont constitué la méthode privilégiée pour faire taire les opposants politiques. Une violence absolue, qui a jeté les assises des violences qui vont émailler, par la suite, la voie sociale et politique dans notre pays." Mahmoud Boudarène cite les événements des années 1980 et 2001 en Kabylie ainsi que ceux d'octobre 1988 face auxquels la réponse du pouvoir a été sanglante. "Octobre 88 avait été possible grâce à Avril 80, une filiation justifiée, nature... Une répression qui avait scellé le divorce entre le peuple et le pouvoir et accentué le rejet définitif de ce dernier. L'islamisme politique était là, tapi dans l'ombre, à l'affût ; il attendait son heure." L'auteur qualifie ce qui s'est produit dans les années 1990, de mission divine purificatrice. "Le discours religieux a interdit chez les sujets — qui se sont engagés dans cette violence — toute forme d'empathie et de sensibilité envers les victimes. Les meurtres collectifs, qui s'en sont suivis ont pris l'aspect de rituels sacrificiels. Ils ont été exécutés sans état d'âme et dans une atmosphère déshumanisée." Mahmoud Boudarène pense que la page de cette période de souffrance et de sang a été tournée avec précipitation. "La République et la société ne peuvent faire l'économie d'un vrai dialogue qui mettrait face-à-face les victimes et les bourreaux. Seule voie à emprunter pour venir à bout de la haine qui habite les cœurs et apporter l'apaisement à la société." Par la suite, face à la montée de la violence sociale, "le pouvoir, écrit-il, a alterné manipulation, attitudes paternalistes et répressions féroces, pendant que la loi et la justice ont déserté l'espace public." Le pouvoir a été même au delà en faisant recours, argumente-t-il, quelques fois aux délinquants pour saboter des manifestations et activités politiques. "En abandonnant aux baltaguis un pan de l'autorité de l'Etat, le pouvoir politique disqualifie les institutions sans mesurer les conséquences du climat d'insécurité qu'une telle démarche génère." Le livre aborde également la question des enlèvements d'enfants, les violences envers les femmes et se termine par un chapitre réservé au rôle des médias et des réseaux sociaux. L'auteur conclut : "Une société sans empathie sécrète la violence et engendre, par conséquence, chez les sujets qui la composent, un sentiment permanent d'insécurité." N. H.