Le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care) plaide pour la mise en place d'une union douanière maghrébine. Ce débat a souffert et souffre toujours des turbulences politiques qui traversent aujourd'hui la région. "Il reste néanmoins que ces contraintes politiques ne devraient pas, raisonnablement, contrecarrer une dynamique plus positive sur le terrain économique", estime le think tank qui a organisé, hier à l'hôtel Sofitel, une conférence-débat sur la question, animée par M. Mouloud Hédir, économiste et expert des politiques commerciales. Ce dernier estime : "Il y a beaucoup de raisons de penser qu'il est possible et recommandé de distinguer entre le projet politique de l'UMA et le rapprochement des économies des pays membres." Il a rappelé, à juste titre, que la question du Sahara occidental n'a pas empêché l'initiation du projet UMA entre1989 et 1992. Par ailleurs, M. Hédir signale qu'avec la grande zone de libre-échange arabe, "les pays maghrébins sont de facto, depuis 2009, dans une zone de libre-échange". Par ailleurs, malgré les tensions politiques, les échanges commerciaux bilatéraux enregistrent une croissance régulière sur une longue période. Les exportations de l'Algérie vers le Maroc ont augmenté de 175,4 millions de dollars en 2001 à 499,1 millions de dollars en 2016. Les importations algériennes du Maroc ont suivi la même tendance, passant de 6,1 millions de dollars en 2001 à 269,6 millions de dollars l'année dernière. Mouloud Hédir évoque, dans sa communication, la faible appétence de l'économie algérienne pour les accords commerciaux régionaux. L'Algérie a été la dernière à signer puis à ratifier l'accord d'association avec l'Union européenne. Elle a été, également, le dernier pays arabe à rejoindre la zone arabe de libre-échange. Le faible intérêt de l'Algérie pour les accords commerciaux régionaux tient aussi à la structure de son économie, faiblement diversifiée, pour laquelle, tout engagement commercial signifie une aggravation de ses déséquilibres. Chiffres à l'appui, M. Hédir constate que la seule zone avec laquelle l'Algérie enregistre un excédent est le Maghreb, d'où l'intérêt de construire cet ensemble économique. L'autre chiffre qui illustre l'absence de diversification de l'économie algérienne est nombre de produits échangés. L'Algérie a exporté 655 produits (sous-positions tarifaires) en 2016 et a importé 4 298 produits. "Le vrai problème est que nous n'avons pas de production à exporter", soutient M. Hédir, indiquant que la Tunisie exporte entre 11 et 12 milliards de dollars de produits industriels, soit l'équivalent de toute la production industrielle algérienne. "Nous sommes organisés pour importer", a-t-il regretté. M. Hédir estime que l'investissement international peut être "un couloir pour le financement de la croissance en Algérie". Le fait de le poser à l'échelle maghrébine, marché de 100 millions d'habitants, est "un levier supplémentaire". Malheureusement, pour Slim Othmani, patron de NCA Rouiba et président de Care, la tendance actuelle n'est pas dans le sens de la construction maghrébine. "Cette situation arrange certains groupes d'intérêt", a-t-il accusé, indiquant que la proposition de création de corridor économique entre l'Algérie et le Maroc a été rejetée "presque violemment" par les deux parties. Meziane Rabhi