Si l'affaire Mellouk reste le cas le plus médiatisé de dénonciation de corruption, d'autres, tout aussi éloquents, existent, comme cela a été évoqué hier à Oran, lors d'un point de presse qui s'est tenu au siège de la Ladddh, version Salah Dabouz. Face à la presse, durant plus d'une heure, trois cas de lanceurs d'alerte, aujourd'hui licenciés, poursuivis en justice et subissant des pressions et des intimidations pour avoir dénoncé des cas de corruption, de malversation et pour avoir évoqué des affaires aux dimensions politiques. Dans son préambule, le président du bureau de la Laddh à Oran n'a pas manqué de souligner que ces trois cas ne sont pas isolés et leurs histoires interpellent sur "la célérité de la justice à les poursuivre et les condamner, refusant de tenir compte des preuves qu'ils ont pourtant transmis aux services de sécurité et à la justice". L'un des premiers lanceurs d'alerte à prendre la parole est N. Tounsi, ancien responsable du service commercial de l'entreprise portuaire d'Oran (EPO), qui a dénoncé avec preuves à l'appui, brandissant des documents pour appuyer ses propos, des pratiques frauduleuses coûtant des milliards en dinars et en devises au Trésor public. Ces pratiques, dit-il, qui se font avec "la complicité de responsables et de personnes au port d'Oran", reposent sur de fausses déclarations de marchandises importées permettant d'appliquer un prix de référence inférieur à celui prévu par le code des douanes. Il évoquera encore les mécanismes frauduleux pour éviter à certains navires de devoir payer le port lors de leur présence à un quai. Et de citer à titre d'exemple le cas d'une société privé algérienne de travaux publics et une autre filiale d'un grand groupe étranger spécialisé dans les matériaux de construction ayant bénéficié de ce système. Sans oublier les détournements des œuvres sociales, autre dossier qui lui vaut ses déboires. Alors que les plaintes et dénonciations qu'il a transmises à la justice au niveau de la cour d'Oran sont restées lettre morte, avec même des pièces manquantes dans les dossiers, N. Tounsi est licencié et doit faire face à des poursuites et condamnations "montées de toutes pièces contre lui pour insulte et dénonciation calomnieuse". L'autre lanceur d'alerte à évoquer son cas est celui, particulier, d'un militant de la Laddh et du syndicat Snapap, F. Hassam, en sa qualité de responsable de la question des migrants, qui a été amené à dénoncer, dans un communiqué officiel, les violences perpétrées contre des migrants et des réfugiés lors d'une rafle à Alger, alors que se tenait au même moment le forum économique algéro-africain. Peu de temps après, il est convoqué par son employeur, la direction de la société Roc Algérie, qui lui avouera avoir subi des pressions et des intimidations de la part des services de sécurité et de la direction des travaux publics pour le licencier, étant donné que la société obtient des marchés de la part des pouvoirs publics. Un licenciement qui a bien eu lieu malgré le fait qu'il ait présenté sa requête devant la justice quant au motif réel de son licenciement. Aucune mention ne sera faite de cette requête et de son contenu et, bien sûr, le licenciement présenté comme étant économique a été validé. Depuis, F. Hassam est au chômage et son poste pourvu par le recrutement d'un autre ingénieur. Dans son affaire, ce dernier nous apprendra encore que des organisations onusiennes ont été saisies. Le dernier cas, qui a souvent été évoqué par la presse, est relatif au long et ancien combat de la famille Soussi — le père est un ancien avocat et ancien député — contre la société Sifan. Cette famille qui vit sous la menace d'une expulsion de son appartement du Bd la Soummam paie le fait d'avoir démontré, document à l'appui, que des expulsions de familles algériennes ont été menées par cette société qui ne jouit pas d'un titre de propriété. Une décision de justice de la cour d'Oran leur donnant raison "mais d'autres magistrats ne reconnaissent pas cette décision de leur pairs", dira l'orateur. L'affaire a pris récemment une dimension politique avec la réaction du ministre de la Justice qui a suspendu les expulsions et décidé de l'envoi d'inspecteurs à la cour d'Oran. Tous les intervenants ont demandé l'intervention de Tayeb Louh pour leur propre protection, leur réhabilitation et surtout que la lumière soit faite dans toutes les affaires de malversation qu'ils ont rendues publiques. D. LOUKIL