L'organisation non-gouvernementale (ONG) Médecins du monde (MDM) a accusé, hier, l'Algérie de maltraiter les populations migrantes venues d'Afrique subsaharienne, notamment d'Afrique centrale et d'Afrique de l'Ouest. "Qu'elles soient installées définitivement ou en attente de partir vers l'Europe, ces personnes sont dans une situation particulièrement précaire. Stigmatisées, souvent victimes de violence, elles rencontrent des difficultés à se faire soigner, et ce, malgré un système de sécurité sociale efficace qui donne accès aux soins à tous pour un coût symbolique", a affirmé MDM dans son rapport. Selon cette ONG, "un travail important reste à faire" quant à l'accès aux soins effectifs des populations migrantes, ainsi qu'à la reconnaissance de leurs autres droits, notamment la scolarisation et le logement. Emboîtant le pas au ministre nigérien de l'Intérieur, Mohamed Bazoum, qui avait accusé, mercredi dernier, l'Algérie d'avoir abandonné des ressortissants ouest-africains au Niger, MDM a indiqué que "des centaines de migrants subsahariens, dont des femmes enceintes et des enfants, ont été transférés au centre de rétention de Zéralda le 10 février puis transportés le 13 février en bus vers Tamanrasset, puis en camion le 14 février à la frontière avec le Niger". Selon cette organisation qui a, par ailleurs, publié, vendredi, un communiqué sur son site Internet, ces migrants ont été contraints d'atteindre à pied, en plein désert, la ville d'Assamaka, le premier centre urbain au Niger. "Pour ceux ayant échappé à ces expulsions, la situation reste tout aussi dramatique. Face à la crainte d'être arrêtés, les migrants s'enferment dans leur domicile. Si les expulsions se poursuivent, les migrants se verront forcés à vivre cachés accentuant leur situation d'extrême vulnérabilité", a encore précisé la même source, révélant que la situation sanitaire et médicale risque de devenir rapidement préoccupante en raison de la rupture d'accès aux soins et de ravitaillement en nourriture. Dans sa Plateforme migration Algérie (PMA), regroupant 20 associations, et qu'elle supervise, cette ONG s'est dite inquiète "face aux conséquences désastreuses de ces expulsions sans distinction de nationalité". Interpellant le gouvernement algérien à mettre en place des mesures urgentes pour garantir l'accès aux soins et aux droits des migrants subsahariens, MDM s'est dite "prête à travailler conjointement avec les autorités compétentes pour organiser l'aide humanitaire et améliorer l'accès aux services de base de ces derniers". Selon cette ONG, plus de 10 000 migrants vivent actuellement en Algérie considérée "non seulement comme un pays de transit pour les migrants en route pour l'Europe, mais aussi une terre d'élection pour les personnes venues d'Afrique subsaharienne et, notamment, d'Afrique centrale et d'Afrique de l'Ouest. Les parcours varient et les routes migratoires sont mouvantes, mais on estime la durée moyenne du séjour à un peu plus de trois ans". Appuyée par des relais communautaires, MDM a révélé que des sections sillonnent les quartiers où vivent les migrants pour les orienter vers les centres de santé, notamment pour le dépistage du sida, le suivi des grossesses et la prise en charge des jeunes enfants. Elle citera, entre autres, la ville d'Oran où elle active avec des associations locales pour soutenir les femmes migrantes dans une atmosphère sécurisée et confidentielle où des activités d'écoute, de sensibilisation et d'orientation vers les centres de santé publique sont proposées. La sortie de cette ONG intervient trois jours après les déclarations du ministre nigérien de l'Intérieur, Mohamed Bazoum, lors de sa visite, mercredi dernier, au centre de transit des migrants ouest-africains de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Agadez. Selon ce responsable, pas moins de 770 jeunes, des ressortissants ouest-africains, ont été expulsés manu militari du territoire algérien. "L'Algérie devrait procéder au rapatriement de ces clandestins dans leurs pays respectifs. Le Niger n'est pas un débarras où l'on abandonne des ressortissants ouest-africains", a accusé M. Bazoum, appelant "l'Algérie à réexaminer la question des expulsions". FARID BELGACEM