Jamais de l'histoire de l'Algérie indépendante, l'état-major de l'armée n'a connu d'aussi grands et vastes changements. La liste des départs dans les rangs de l'Armée nationale populaire (ANP) vient de s'allonger avec le limogeage, affirment plusieurs sources, jeudi, des chefs d'état-major des forces aériennes et de la défense aérienne du territoire, par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Ainsi, c'est pratiquement toute la composante de l'état-major de l'armée qui est en train de connaître un chamboulement sans précédent. Le remue-ménage avait commencé, avec, d'abord, le limogeage, en juin dernier, du commandant de la Gendarmerie nationale, suivi des directeurs du personnel et celui des finances au ministère de la Défense nationale. Le mouvement s'est poursuivi, en juillet et août, avec le limogeage du contrôleur général de l'armée, du directeur central de la sécurité de l'armée, du commandant des forces terrestres et de cinq sur les six chefs de régions militaires. C'est dire l'étendue des changements, et tout porte à croire que la purge dans les rangs de l'ANP n'est pas près de s'estomper. Et la question qui se pose est de savoir pourquoi maintenant, à quelques mois des échéances présidentielles d'avril 2019 ? De l'histoire de l'Algérie indépendante, jamais, en effet, l'état-major de l'armée n'a connu d'aussi grands et vastes mouvements. Même au plus haut des crises politiques et sécuritaires qu'a traversées le pays. En juin dernier, la presse et l'opinion publique ont naturellement établi un lien entre les premiers changements opérés dans l'armée et l'affaire des 701 kg de cocaïne, dite "Kamel Chikhi". Mais avec, un peu plus tard, le départ des chefs de régions militaires, alors que certains sont connus pour leur probité pour les soupçonner de quelque lien avec l'affaire dite "El-Bouchi", ces changements ont suscité d'autres questionnements. À savoir si le flou entretenu autour de l'affaire des 701 kg de cocaïne n'a pas servi d'alibi pour éliminer des adversaires ou tout simplement de hauts gradés qui ne seraient pas très enthousiastes pour les agendas politiques futurs en cours d'élaboration dans les sphères dirigeantes. Beaucoup d'observateurs pensent d'ailleurs que le vice-ministre de la Défense, chef d'état-major de l'armée, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, a vu sa position se consolider davantage depuis juin dernier, avec notamment le limogeage brutal du directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel. Les deux hommes étaient connus pour ne pas trop s'entendre. C'est aussi le cas pour les désormais ex-chef de la première et de la deuxième régions militaires, les généraux-majors Lahbib Chentouf et Saïd Bey, donnés respectivement comme de potentiels successeurs à Ahmed Gaïd Salah. Entre-temps, le front populaire constitué autour de la candidature d'Abdelaziz Bouteflika, et élargi même aux organisations patronales et syndicales, a de quoi laisser penser que cette option est sérieusement envisagée. Dès lors, et comme à chaque fois que Bouteflika souhaitait rempiler pour un autre mandat, de hauts responsables sont écartés des sphères de décision. Ce fut le cas à la veille du quatrième mandat, où le duo Abdelaziz Bouteflika-Ahmed Gaïd Salah avait sévi contre les ambitieux et récalcitrants. Mais, mis à part l'opération de restructuration des services de renseignement (ex-DRS), les rangs de l'ANP n'avaient pas connu de grands changements, comme c'est le cas en ce moment. Mehdi Mehenni