L'aggravation du drame migratoire a été causée en partie par le renforcement des mesures répressives contre les migrants, l'intensification de la lutte contre les réseaux de trafic et la fermeture progressive de l'espace européen. Le nombre de migrants coincés en Libye a dépassé la barre des 600 000, selon le dernier rapport de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) rendu public samedi soir, en se basant sur des données collectées entre juillet et août 2018, au moment où des pays européens, à leur tête l'Italie, durcissent de plus en plus leurs conditions d'accueil. "En juillet et août 2018, l'OIM a identifié au moins 669 176 migrants actuellement en Libye. Des migrants ont été identifiés dans 100 municipalités (...) et sont originaires de plus de 41 pays", a indiqué l'organisation onusienne. "Les cinq principales nationalités identifiées sont originaires du Niger, de l'Egypte, du Tchad, du Soudan et du Nigeria", selon l'OIM, citée par les agences de presse. Si une partie de ces migrants qui ont été sauvés en mer ou arrêtés par les services de sécurité libyens a été placée dans des centres d'accueil en Libye, une autre partie demeure entre les mains des trafiquants qui réduisent parfois ces migrants à l'esclavage. Plusieurs autres migrants ont été enrôlés contre leur volonté dans les rangs des milices armées libyennes ou par les groupes terroristes. Cela dit, chaque jour, des centaines de migrants tentent d'atteindre les côtes européennes malgré le risque de noyade, très récurrent en Méditerranée. Parallèlement aux difficiles conditions de départ vers le Vieux Continent, les migrants sont confrontés à une politique européenne de plus en plus répressive, avec l'arrivée des partis populistes et anti-migrants au pouvoir dans plusieurs pays d'Europe. Outre les frictions au sein des membres de l'Union européenne qui empêchent une politique migratoire cohérente, certains pays ont décidé de mener leur propre politique pour éviter des crises internes. C'est le cas de l'Italie où le gouvernement populiste a opté pour des mesures restrictives à l'égard des migrants mais aussi des ONG activant en Méditerranée, en leur interdisant l'accès aux ports italiens. Hier, une nouvelle polémique a éclaté entre Rome et Berlin au sujet de l'accueil des migrants. Le sulfureux ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, a prévenu, hier, qu'il fermerait tous les aéroports italiens si l'Allemagne s'avisait de renvoyer par "charters" des migrants en application des accords de Dublin. "Si quelqu'un, à Berlin ou à Bruxelles, pense débarquer en Italie des dizaines de migrants avec des vols charters non autorisés, qu'il sache qu'il n'y a pas et il n'y aura pas d'aéroport disponible. Nous fermons les aéroports comme nous avons fermé les ports", a écrit, hier, sur son compte Twitter, le ministre, qui est également le chef de la Ligue (extrême droite). Citant des sources anonymes de l'aéroport de Munich, l'agence de presse allemande DPA a évoqué de possibles vols charters vers l'Italie, dont le premier dès aujourd'hui. Les autorités bavaroises n'ont pas confirmé ou démenti ces informations à l'agence. Samedi, le journal italien La Repubblica avait affirmé que l'Office fédéral allemand en charge de l'immigration était en train d'envoyer de nombreuses lettres à des réfugiés arrivés dans l'UE par l'Italie, en annonçant leur "transfert" imminent dans le cadre des accords de Dublin. Si ces renvois venaient à avoir lieu, cela aggraverait la crise entre les deux pays et au sein de l'UE, mais le risque de voir ces migrants renvoyés vers des centres de rétention en Libye n'est pas à écarter. Cela n'est pas pour arranger les choses en Libye, où l'instabilité politique et sécuritaire a transformé ce pays en passoire depuis la chute de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Lyès Menacer