La décadence du monde musulman peut être expliquée par un évènement survenu en l'an 833. Celui de l'officialisation de l'école de théologie mutazilite par le calife abasside, Al Mamoun. C'est l'un des nombreux enseignements "tirés" de la conférence animée, vendredi dernier, par le Pr Ahmed Djebbar au Sila (Salon international du livre d'Alger). L'ex-ministre de l'Education (1992-1994), et actuellement enseignant universitaire en France, explique cette "annonce", par les retombées de la décision du calife. "Cette décision d'Al Mamoun était une erreur politique", affirme le conférencier. Il expliquera que "le problème n'était pas dans le mutazilisme, qui au contraire, comprenait les premiers musulmans à avoir défendu efficacement l'Islam contre les autres religions, mais dans ce qui allait se passer après". "La mutation du courant théologique à l'idéologie officielle du califat" a engendré la montée en force, dans l'empire abbasside, de l'orthodoxie. Cette dernière, dont les courants étaient auparavant plus au moins marginalisés, est ainsi devenue dominante dans son opposition au "pouvoir". Un statut qui lui a permis d'accentuer la pression pour arriver à son objectif, le rejet officiel du mutazilisme. Ainsi, "en 892, un décret califal contre les courants rationalistes" est adopté. Il est le résultat, entre autres, "des offensives du courant théologique hanbalite qui ont fabriqué une image négative du mutazilisme". L'arrivée de l'acharisme "qui professe la révélation sur la raison", indique le Pr Ahmed Djebbar, engendrera la montée en puissance des principales écoles de pensée formant le droit musulman : le malekisme, le hanbalisme, le chafisme et le hanafisme. Une mutation qui a mis à l'écart le mouvement rationaliste qu'était le mutazilisme et dont les "bienfaits" ont été longuement étalés par le conférencier. Cet aspect de l'histoire des pays d'islam entrait dans le cadre d'une thématique d'ensemble autour de l'intitulé de la rencontre "Science et rationalité en pays d'Islam, (VIII-XVIII)". Une "conférence panoramique" pour rappeler des faits et insister sur l'importance de connaître l'histoire. La démarche du Pr Ahmed Djebbar se voulait ainsi, et avant tout, pédagogique, et loin de toute controverse. Il appellera surtout à aller de l'avant et à dépasser les futiles controverses. "La mondialisation est très dangereuse, et elle tue la planète. Nous perdons du temps a discuter de ce qu'il aurait dû être fait, et qui avait raison entre Al-Ghazali et Ibn Rochd, alors que nous ne maîtrisons rien", lance le conférencier en cachant son dépit. Son vibrant appel au retour du rationalisme a été entendu. Il reste maintenant à vaincre les idées rétrogrades. Salim KOUDIL