Le doute a fini par reprendre sa place sur les marchés pétroliers, mettant fin illico presto à l'euphorie suscitée par la décision de l'Opep et de ses partenaires de réduire leur production de 1,2 million de barils par jour. Un autre mouvement baissier a pris place dès hier, premier jour de cotation, au lendemain des réunions de jeudi et vendredi derniers, à Vienne, regroupant les membres de l'Opep et leurs alliés non-Opep. Les analystes doutent que la décision de l'Opep puisse être suffisante à même d'éponger les excédents de la production qui minent les perspectives du marché. Un rapport de Goldman Sachs et de Morgan Stanley, diffusé hier, pointe les difficultés de mettre en œuvre l'accord conclu vendredi entre les 25 producteurs présents à Vienne. L'Opep fait désormais face à la difficulté de répartir la réduction de la production, alors que l'exemption de certains membres de l'Opep, à savoir l'Iran, le Venezuela et la Libye, de cet effort de limitation de l'offre obscurcit les perspectives du marché, soulignent les banques américaines dans leur rapport. "La reprise des cours risque d'être étouffée rapidement par l'incertitude quant à la manière avec laquelle la coalition Opep-non Opep mettra en œuvre son accord visant à réduire la production", lit-on dans le rapport de Goldman Sachs et de Morgan Stanley. Preuve en est le Brent qui a bondi de 6% dans le sillage de l'accord obtenu à Vienne, se négociant au-dessus de 63 dollars le baril à Londres vendredi, avant qu'il ne perde la moitié de son gain initial dès la première journée, ouvrant les cotations de la semaine. Le marché valse, désormais, au rythme des inquiétudes quant au ralentissement de la croissance de la demande, des craintes d'une pression croissante de la part de Trump sur les prix, ainsi que d'une augmentation potentielle de la production de schiste aux Etats-Unis, écrivent les analystes de Morgan Stanley et de Goldman Sachs. Ils écartent obstinément l'idée selon laquelle les cours du brut puissent revenir à leurs niveaux de début octobre et prévoient un prix moyen du Brent à 67,50 dollars le baril au deuxième trimestre de 2019, soit 10 dollars de moins que leurs précédentes estimations. Il y a l'autre risque que la décision de l'Opep et de ses partenaires puisse exercer un effet pervers sur les parts de marché de l'Organisation et ses alliés. "Les réductions de l'offre pourraient inciter des producteurs non membres de l'Opep à pomper davantage, entraînant une perte de parts de marché chez les partisans de la limitation de la production", lit-on dans le rapport des banques américaines. Mais le marché pourrait se rééquilibrer au cours du premier semestre de 2019, non sous l'effet de la décision de l'Opep et de ses partenaires, mais conséquemment à l'impact des sanctions américaines contre l'Iran et au ralentissement prévu de la production américaine dans la région de Permian, prévoient les analystes de Goldman Sachs et de Morgan Stanley, qui soulignent, en outre, que la croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2018 et 2019 est sous-estimée. Cependant, le second semestre de 2019 pourrait être marqué par la hausse de la production chez nombre de pays non-Opep, dont les Etats-Unis, le Canada, le Brésil et la Norvège, ce qui mettrait les tentatives de rééquilibrer le marché à rude épreuve. C'est dire que le marché pétrolier n'a jamais été aussi miné par les incertitudes, aussi bien sur la croissance de la demande mondiale que sur l'offre, notamment celle provenant des pays non-Opep et des Etats-Unis, plus particulièrement. A. Titouche