Les manifestants sont demeurés sur place, attendant la sortie de la délégation dans une ambiance très tendue. Le siège de la wilaya d'Oran a été le théâtre, hier après-midi, d'une manifestation de protestation des amis, proches et voisins des 20 harragas oranais disparus en mer jeudi dernier. Arrivés sur les lieux vers 14h, ils étaient plus d'une trentaine de personnes, brandissant une banderole résumant tout le désarroi des familles : "Allez chercher nos frères disparus", une phrase écrite à l'encre bleue, comme la couleur de la mer, qui a pris 20 jeunes hommes, ainsi que des femmes et des enfants. Venus des quartiers Cholet, St-Eugène et Victor-Hugo d'où sont issus les 20 harragas, les manifestants, pour certains en larmes, d'autres en colère, ont fait face aux brigades antiémeute déployées sur les escaliers de l'enceinte de la wilaya. Massés sur les trottoirs d'en face, les protestataires crient "Allah Akbar, rendez-nous nos frères ! Allah Akbar, allez chercher nos frères !". Certains tentent de forcer le cordon des agents des brigades antiémeute, voulant à tout prix rencontrer le wali. Ils sont aussitôt bloqués et entourés par des policiers. Alors tous se ruent sur les forces de l'ordre. Quelques protestataires s'interposent pour éviter un affrontement. Ils parviennent à calmer les esprits et demandent à tous de rester en face de la wilaya. Un jeune, rouge de colère, les larmes coulant à flots, est emmené à l'écart par ses amis, d'autres crient leur colère. Les forces de l'ordre resteront calmes mais prêtes à intervenir. Juste en dessous, sur les premières marches du siège de la wilaya, quelques mères sont là aussi, pleurant, gémissant, se frappant le visage des deux mains. Pourtant, une délégation des protestataires a été reçue par un responsable de la wilaya, le wali étant depuis le matin pris avec le congrès de l'UGTA et Sidi Saïd, les deux ministres, celui du Travail et celui des Transports, pour assister au discours et aux appels à un 5e mandat. Un terrible décalage ! "Nous ne demandons qu'une chose, qu'ils nous aident à chercher nos frères. Depuis jeudi, on va de commissariat en commissariat. Au port, ils ne veulent rien faire. Les gardes-côtes ne sont même pas sortis pour faire des opérations de sauvetage", affirme un jeune homme de St-Eugène. Dans ce quartier, 5 harragas avaient choisi de partir. Tous sont morts, dont un couple, la femme enceinte de 6 mois. Leur petite fille de 4 ans est parmi les 9 rescapés ! D'autres manifestants, venus du quartier Cholet, expliquent que même si peu d'espoir persiste, ils ont besoin de s'entendre dire que des recherches ont été entreprises. "Au moins que les familles sachent. On ne peut pas rester comme ça, sans rien faire, pendant que la jeunesse se meurt", lâche-t-il. Et ce qui semble accroître la douleur, c'est, semble-t-il, l'absence de réaction des responsables ou des gardes-côtes. Les manifestants sont demeurés sur place assez tard, attendant la sortie de la délégation dans une ambiance très tendue. D. LOUKIL