De l'avis de l'officier supérieur à la retraite, l'intervention du premier responsable de l'armée s'imposerait plus que jamais pour sauver le pays d'une violation de la Constitution qui peut s'avérer fatale pour la nation. Dans son appel lancé, avant-hier dans les colonnes du quotidien El Watan, au général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, le général-major à la retraite, Ali Ghediri, a pointé du doigt "des aventuriers dont l'unique objectif est de rester au pouvoir et de profiter de la rente". Il cible, sans les nommer, ceux qui appellent au report de l'élection présidentielle et ceux qui prônent la continuité, c'est-à-dire les adeptes de l'option du 5e mandat pour le président Bouteflika. "D'après ce qui s'écrit et se dit, certains demandent un report de la présidentielle, d'autres la continuité. Tous les schémas anticonstitutionnels sont mis sur la table. Connaissant de près le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, je me défends de croire qu'il puisse avaliser la démarche d'aventuriers", a-t-il soutenu, dans cet appel implicite au patron de l'armée pour faire barrage à ces "aventuriers". Ceux-là, assène-t-il encore, "sont nourris par des instincts autres que les nationalistes". Ayant exprimé publiquement leurs positions respectives, les acteurs politiques réclamant le report de la présidentielle ou ceux défendant l'option 5e mandat sont identifiés. L'option du report étant défendue depuis quelque temps par le chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrezak Makri, alors que celle d'un 5e mandat pour Bouteflika est l'œuvre des partis de l'Alliance présidentielle. Du coup, il est difficile de croire que le général à la retraite s'adresserait à ces gens-là connus de tous. Il viserait, plutôt, leurs "mentors", ceux-là qui leur dicteraient ces choix dont la mise en œuvre requiert, forcément, soit la trituration de la Loi fondamentale, soit des manœuvres politiques, telles que la convocation d'une conférence nationale, comme préconisé par le chef de TAJ, Amar Ghoul. Mais qui seraient alors les "architectes" de ces éventuels scénarios lancés, plutôt, en ballons-sondes, ces "aventuriers" dénoncés par le général à la retraite ? Car, derrière les scénarios, il y a des manœuvriers, et ces derniers ont des noms. Aussi, il est aisé de deviner pour qui rouleraient les partis de l'Alliance présidentielle : ils roulent pour le cercle présidentiel incarné par le frère du président, Saïd Bouteflika, qui, lui-même, s'est entouré d'un aréopage d'oligarques où l'on compterait les Haddad, Kouninef et d'autres moins visibles. Néanmoins, selon des sources bien introduites dans les rouages du pouvoir, même l'idée du report aurait été dictée au MSP également par les représentants du cercle présidentiel. L'appel lancé par M. Ghediri à Gaïd Salah confirme, on ne peut plus clairement, l'exacerbation de la lutte des clans à la veille de l'élection présidentielle, encore entourée d'un flou intrigant. Il laisse entendre que le chef de l'ANP serait le seul à même de pouvoir barrer la route aux "aventuriers", allusion à l'entourage du Président malade. Et de l'avis du général Ghediri, l'intervention du premier responsable de l'armée s'imposerait plus que jamais pour sauver le pays d'une violation de la Constitution qui peut s'avérer fatale pour la nation. "Il peut être conciliant sur nombre de choses, mais lorsqu'il s'agit de la nation, de la stabilité du pays, là, il redevient le moudjahid et reprend sa figure de maquisard. Je ne pense pas qu'il puisse faire le jeu de ceux qui sont nourris par des instincts autres que nationalistes", a-t-il dit à propos de Gaïd Salah. Et d'ajouter : "Je m'interdis d'imaginer que le général de corps d'armée Gaïd Salah puisse permettre à ces gens-là de transcender ce qui est prescrit par la Constitution pour assouvir leur désir, leur instinct et leurs ambitions. Je ne pense pas qu'il puisse trahir sa devise qu'il ne cesse de nous répéter : ‘Le pays avant tout.'" Reste à savoir quelle sera la réaction du patron de l'armée. Farid Abdeladim