Le Soudan, qui est plongé dans une grave crise politique interne, n'est pas à l'abri d'une autre explosion au Darfour, dont les conséquences seront catastrophiques pour le pays. Le Conseil de sécurité des Nations est resté divisé vendredi sur la décision du retrait de la force de paix onusienne (Minuad) du Darfour, alors que l'organe exécutif de l'ONU avait adopté, il y a un an, le principe d'un retrait graduel de cette région de l'Ouest soudanais, frontalière avec le Tchad et le sud-est de la Libye. Les Européens et les Africains réclament sa suspension, tandis que la Chine et la Russie demandent son maintien. Si le retrait se confirme lors de la prochaine réunion du Conseil de sécurité sur le sujet, prévue le 27 juin, le Darfour pourrait replonger dans le chaos, d'autant plus que l'on prête l'intention aux milices, RFS et Janjawid, opérant dans cette région de vouloir occuper les quinze bases des forces de paix de l'ONU, une fois que celles-ci auraient quitté les lieux. D'ailleurs, cette question taraude les esprits des membres du Conseil de sécurité, qui s'interrogent à quelles autorités il faut remettre ces bases. Devant cette situation, les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme, Amnesty International et Human Rights Watch ont exprimé leur inquiétude quant aux conséquences d'un retrait de cette mission. Pour Jonathan Loeb, conseiller de crise pour Amnesty International, "il est difficile d'imaginer pire moment pour décider de mettre fin à la Minuad". Les milices "RSF", présentées comme une incarnation des "Janjawid" du Darfour, sont accusées par le mouvement de contestation populaire au Soudan d'être à l'origine de la dispersion sanglante, le 3 juin, du sit-in devant le quartier général de l'armée à Khartoum et de la répression qui a suivi. Quant à Human Rights Watch, l'ONG a exhorté le Conseil de sécurité de l'ONU à "préserver les capacités de la Minuad à protéger les civils et à surveiller les violations des droits humains", plutôt que "de donner le feu vert à une diminution continue de ses moyens". HRW estime que "l'instabilité politique au Soudan a inévitablement un impact sur le Darfour". De son côté, le représentant du Soudan s'est opposé à "toute tentative visant à suspendre le retrait de la Minuad, soulignant que la situation au Darfour justifiait son départ. Rappelons que les Janjawid sont accusés de multiples exactions au Darfour, où un conflit entre rebelles, issus de minorités ethniques, et pouvoir central a fait environ 300 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés depuis 2003. Ainsi, le Darfour constitue l'autre talon d'Achille du Soudan, qui pourrait même avoir pour conséquence une autre partition du pays, qui a déjà perdu une partie de son territoire, l'actuel Soudan du Sud. En effet, si la situation dégénère à nouveau dans cette région du nord-ouest du pays, le Soudan, autrefois plus grand pays d'Afrique, pourrait voir sa superficie diminuer à nouveau.