C'est une véritable démonstration de force des Béjaouis pour le 20e vendredi des marches populaires. Elle a égalé, à tout point de vue, les premières manifestations, depuis le 22 février, au chef-lieu de wilaya. Tous les acteurs politiques et sociaux, rencontrés hier lors de la 20e marche, ont été unanimes à reconnaître que les Béjaouis étaient fortement mobilisés ; ils étaient des centaines de milliers, ce qui témoigne de leur détermination à venir à bout de ce régime, finissant, mais qui ne veut rien céder. Un point de vue, au demeurant, partagé par tous les manifestants et résumé sur une pancarte, confectionnée par un retraité, qui ne rate aucune marche du vendredi : "Nous sommes déterminés ; nous saurons patienter des mois, voire des années." Autre message que les manifestants continuent à faire passer, la référence à la lutte de Libération nationale, à la Charte de la Soummam et à ses principes : la fondation d'"un Etat démocratique et social", "la primauté du civil sur le militaire et de l'intérieur sur l'extérieur". Pour ce dernier point précis, les manifestants ont dénoncé l'ingérence étrangère, notamment des Emirats arabes unis. Aussi, comme la marche coïncide avec le 5 Juillet, les centaines de milliers de manifestants en ont profité "pour renouveler le serment pour l'indépendance" et rendre hommage à celles et ceux qui se sont sacrifiés pour que vive l'Algérie. On a scandé notamment : "Ya Amirouche, ya Lhouès, moudjahid dakhlouh elhabs" (Amirouche, Si El Houès, ils ont emprisonné un moudjahid), référence au commandant Lakhdar Bouregâa. En arrivant au rond-point de Naciria, baptisé place Matoub-Lounès, ils ont chanté l'hymne national avant de dérouler un tifo depuis le toit du premier bâtiment de la cité CNS : on y a représenté Larbi Ben M'hidi et écrit Tileli (Liberté), ainsi qu'un vers tiré de l'une des chansons de Matoub Lounès : "Delwadjeb assirem ad yili" (c'est un devoir de donner espoir aux gens). Après ces mises au point, les manifestants ont rejeté en bloc et dans le détail l'offre de dialogue à laquelle a appelé le chef de l'Etat par intérim. Et ont crié à tue-tête : "Ya men ach, El-Gaïd Salah fi El Harrach" (espérons Gaïd Salah à El-Harrach) ; "Dawla madania, machi âskaria" (Etat civil, non pas militaire) ; "Djazaïr hourra dimokratia" (Algérie libre et démocratique) ; "Ulac smah, ulac" (Pas de pardon) ; "Pouvoir assassin" ; "Mazalagh d li Algériens" (On est toujours des Algériens). On a surtout insisté sur "Silmiya", le pacifisme des marches, qui doit se poursuivre jusqu'à l'avènement de la deuxième république. Par ailleurs, près de dix mille personnes ont marché dans les rues étroites d'Akbou. L'un des organisateurs a confirmé qu'elles étaient 7 000 à 10 000. Parmi les manifestants, il y avait Cherif Mellal, le président de la JSK, qui avait tenu à être présent et à prendre part à cette 20e marche de la dignité.