Amr Moussa reconnaît qu'il y a un “différend” entre Alger et Le Caire. La mort du souverain wahhabite, le roi Fahd d'Arabie Saoudite hier matin, a étouffé un incident diplomatique certain entre Alger et Le Caire à propos de la tenue du très controversé sommet de la Ligue arabe, initialement prévu pour demain. Et pour cause, Hosni Moubarak, qui faisait face à l'intransigeance de l'Algérie quant à l'opportunité de tenir cette réunion maintenant, d'abord, et à Charm Al-Cheikh ensuite, trouve là une aubaine pour repousser l'échéance avec son bras droit Amr Moussa, le temps de tenter de faire revenir Alger à de meilleurs sentiments. Le clash est donc évité in extremis d'autant plus que les Affaires étrangères avaient annoncé dans un communiqué que l'Algérie allait participer simplement au “titre de pays membre de la ligue et non en tant que président en exercice de la ligue”. Une manière de signifier au président égyptien que notre pays n'était pas disposé à souscrire à une décision unilatérale qui plus est en sa qualité de présidente de la ligue. L'absence du président Bouteflika aurait été donc une belle gifle aux prétentions hégémoniques du Caire qui espérait rameuter les dirigeants arabes tout de suite après les attentats sanglants de Charm Al-Cheikh. Courroucée par cette manière de faire qui consiste pour l'Egypte à actionner la très docile ligue quand bon lui semble, Alger a donc engagé un bras de fer qui a sérieusement contrarié Le Caire. Cet épisode ne fait, en réalité, que resurgir une crise diplomatique patente entre les deux capitales. D'un côté, le pays de Moubarak conçoit mal le fait que l'Algérie lui dispute le leadership arabe. Alger de son côté vit mal cette hégémonie envahissante du Caire et veut, légitimement, avoir voix au chapitre. Il n'est qu'à rappeler les échanges pas très diplomatiques entre les deux capitales par déclarations interposées à la veille du sommet d'Alger à propos de la réforme des structures de la Ligue arabe. Alors qu'Alger voulait démocratiser le fonctionnement de la vieille organisation, Le Caire s'est montré intraitable sur la question, conscient qu'une Ligue arabe réformée échapperait immanquablement à ses griffes. Abdelaziz Belkhadem, alors ministre des Affaires étrangères, a été jusqu'à considérer cet appareil, à juste titre d'ailleurs, comme un “appendice” du ministère des Affaires étrangères égyptien. Mais au risque de faire capoter le sommet d'Alger, les deux parties avaient trouvé un gentleman's agreement reportant ainsi leur affrontement. Mais voilà que le réflexe paternaliste de l'Egypte sur la ligue refait surface en convoquant, unilatéralement, un sommet qui a tous les contours d'une manifestation à consommation externe et aux objectifs internes. En effet, confronté aux actes terroristes, Le Caire voulait montrer patte blanche devant les capitales occidentales et se présenter ainsi comme le porte-flambeau de la lutte contre le terrorisme. Or, sur ce plan, force est de relever que l'Algérie possède plusieurs longueurs d'avance. Aussi, Hosni Moubarak voudrait faire de ce sommet essentiellement consacré à la lutte antiterroriste une rampe de lancement pour sa campagne électorale puisque pour une fois, il aura affaire à un vrai opposant en la personne de Aymen Nour. Et, bien sûr, Alger est loin d'ignorer tous ces enjeux qui sous-tendent “le cavalier seul” de l'Egypte. Le SG de la Ligue arabe, lui-même égyptien, a d'ailleurs reconnu hier l'existence “d'un différend entre Alger et Le Caire”, mais qu'il disposait désormais – avec la mort de Fahd —“encore d'assez de temps pour effectuer davantage de contacts pour que le président algérien préside le sommet”. Il ne s'agit donc point de commérages de presse, mais véritablement d'une crise reconnue par le premier responsable de la ligue. Bouteflika et Moubarak auront sans doute à discuter, aujourd'hui, en marge des funérailles du souverain d'Arabie saoudite avant de fixer une date pour la tenue d'un éventuel sommet. En tout état de cause, si le décès de Fahd a quelque part “sauvé” le sommet de Moubarak d'une défection trop voyante de l'Algérie, il n'est pas dit que Bouteflika donnerait aujourd'hui un blanc-seing à son homologue égyptien. Il y va de la crédibilité du pays. Hassan MOALI