Sans surprise, le panel qui a tenu sa première réunion hier à Alger en présence de "tous les membres de l'instance", selon le communiqué rendu public, a confirmé l'abandon, du moins de façon temporaire, des "préalables" posés lors de sa première réunion avec le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, et destinés à créer un "climat favorable" à l'amorce d'un dialogue. Comme premier résultat de cette première réunion, l'instance s'est contentée de la mise en place d'un "comité de sages" dont elle ne cite pas les noms et évite d'évoquer l'élection présidentielle, se limitant d'annoncer qu'elle va engager bientôt des consultations avec la classe politique et les acteurs de la société civile, non sans "valoriser les initiatives prises" déjà et dont les propositions constitueront des "documents de travail". Lorsqu'on sait que l'essentiel de ces initiatives insiste sur la nécessité de créer un "climat d'apaisement", du moins à travers la levée des entraves aux libertés et la libération des détenus d'opinion, autant dire que ces annonces "a minima" du panel témoignent de sa difficulté à élaborer une démarche cohérente de nature à susciter l'intérêt des citoyens dont la messe semble déjà dite, si l'on se fie aux slogans entendus lors des manifestations de vendredi dernier, d'une part, et à ne pas heurter les "lignes rouges" fixées par les "décideurs", dont le chef d'état-major de l'armée, lequel avait assimilé les préalables à des "diktats", d'autre part. Et rien de plus emblématique de cette difficulté que ces multiples couacs, aux relents de cacophonie, qu'elle enregistre. À commencer par cette sortie inattendue du président de l'Association des oulémas démentant son intégration au panel. "La réussite du dialogue et la concrétisation des aspirations des Algériens sont liées à la mise en place d'un climat favorable à sa réussite", a estimé l'association, présidée par Abderrazak Guessoum, dans un communiqué, assurant s'"attendre toujours à la mise en place d'un climat favorable, via notamment la protection du hirak, la cessation du harcèlement contre le mouvement populaire et la satisfaction de ses revendications". Il y a, aussi, ce déni du statut de "détenus d'opinion" aux personnes incarcérées balancé par l'avocate Fatma-Zohra Benbraham, qui vient de rejoindre le panel, dans les colonnes d'un journal arabophone, comme pour apporter curieusement de l'eau au moulin… d'Ahmed Gaïd Salah. "Si j'avais été à temps dans la commission, je n'aurais pas accepté certaines conditions (…) La plupart de ceux qui ont été emprisonnés ont trempé dans des affaires délictuelles : vol, agression, harcèlement et outrage à corps constitués. Ce ne sont pas des détenus d'opinion", a-t-elle dit, selon ses propos cités par ce journal. "La commission devait poser ses conditions sur une base juridique", a-t-elle dit. Enfin, il y a ce pavé dans la mare jeté par l'économiste Smaïl Lalmas qui a décidé de claquer la porte du panel dans la foulée du discours de Gaïd Salah. "Les préalables étaient une exigence pour la réussite du dialogue. Nous avons été très bien reçus à la Présidence, nos interlocuteurs donnaient l'impression d'être conscients de la gravité de la situation et le chef de l'Etat par intérim s'était engagé à répondre favorablement à nos conditions. On sentait qu'il allait mettre le paquet pour la réussite de ce panel, mais après l'intervention du chef d'état-major, j'ai compris que le panel était mort-né et qu'il y avait de sérieux problèmes au sommet de l'Etat", a-t-il affirmé dans les colonnes d'El Watan. Selon lui, "entre la Présidence et l'état-major, il y a un désaccord, un fossé même". Ajoutés aux multiples défections, et pas des moindres, de nombreuses personnalités qui ont refusé d'intégrer ce panel, autant dire que l'initiative est plombée et sa mission s'annonce fort laborieuse. Mais en dépit de ces difficultés, son coordonnateur, Karim Younès, semble refuser de lâcher la proie pour l'ombre. "Contrairement à ce qui s'est raconté, nous n'avons pas renoncé aux préalables. Je persiste sur le fait que nous ne pouvons envisager un dialogue serein sans mesures d'apaisement. Nous avons un engagement de la part du chef de l'Etat. Nous attendons toujours sa mise en œuvre", a-t-il réitéré samedi dans les colonnes de Liberté.