"Le rôle d'un avocat est de défendre un prévenu, pas de l'accabler", souligne le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Alger, qui relève que nul n'a le droit de consulter un dossier s'il n'est pas légalement constitué. Le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Alger, Me Abdelmajid Sellini, a eu des mots durs contre Me Fatma-Zohra Benbraham, qui a qualifié les jeunes manifestants mis sous mandat de dépôt, pour avoir porté l'emblème amazigh sur la voie publique à Alger notamment, et les détenus d'opinion de voyous, auteurs d'actes de violence. Dans une interview accordée à un journal arabophone aussitôt qu'elle a adhéré au panel conduit par l'ancien président de l'APN, Karim Younès, l'avocate a affirmé avoir consulté les dossiers et en a conclu qu'"il n'y a aucun prisonnier d'opinion (…) Les personnes concernées méritent plus que la prison à cause des accusations lourdes qui pèsent sur elles". Selon elle, la plupart des citoyens, arrêtés lors des manifestations, sont coupables "d'actes de violence, d'atteinte à l'unité nationale, d'agressions, de vols et de harcèlement sexuel...". Scandalisé, Me Sellini condamne ce qu'il qualifie de "propos excessifs, non fondés et contraires à la déontologie". Il explique qu'aucun avocat, quel qu'il soit, n'a le droit de consulter un dossier s'il n'est pas légalement constitué dans l'affaire. "Elle n'est mandatée ni par les détenus ni par la partie civile. Elle n'a pas à s'exprimer, en principe, sur cette affaire", estime-t-il, ajoutant que le rôle d'un juriste est de "défendre un prévenu, pas de l'accabler. Le comportement de Me Benbraham est un manquement à l'éthique professionnelle et une entorse au code de procédure pénale". Le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Alger admet le principe de la liberté d'expression. Il met, toutefois, les déclarations de Me Benbraham dans la case des dépassements graves. Est-elle passible d'une comparution devant le conseil de l'ordre des avocats pour faute professionnelle ? "Pour l'heure nous condamnons l'acte. Il revient aux détenus (personnes diffamées, ndlr) de déposer plainte personnellement ou de mandater leurs avocats", explique-t-il. Il rappelle à l'occasion la réunion tenue par le barreau d'Alger, mercredi dernier, sur les actions à prévoir pour maintenir la mobilisation des robes noires. Il faut convenir que depuis les premières marches du 22 février dernier, les avocats constituent des soutiens sûrs de la révolution citoyenne. Ils participent aux manifestations du vendredi, organisent régulièrement des rassemblements devant les cours de justice et les tribunaux, boycottent les audiences et se constituent spontanément et bénévolement en collectifs de défense des manifestants, militants et personnalités arrêtés pour leur implication dans l'insurrection populaire. Me Fatma-Zohra Benbraham se présente comme une fausse note dans l'engagement de la corporation aux côtés du peuple. Et dire que c'est elle précisément qui a été choisie pour rejoindre le panel de médiation et de dialogue.