L'objectif est de rapprocher les points de vue et de synthétiser les propositions pour arriver à une plateforme consensuelle, de dégager une feuille de route et d'arrêter un agenda de travail à travers cette nouvelle forme de médiation. C'est sans doute l'un des événements politiques phare en Algérie depuis le début de la mobilisation populaire du 22 février dernier contre le système et ses symboles. En effet, les trois dynamiques de la société civile, d'une quinzaine de partis politiques de l'opposition actifs et des personnalités nationales venues de divers horizons ont réussi, hier, à la Safex, à tenir leur première rencontre de concertation sous le slogan : "Ensemble pour le soutien du hirak et contribution à la sortie de crise". Cette rencontre, qui s'est déroulée à huis clos, a permis aux participants d'exprimer leurs positions respectives par rapport au mouvement populaire pacifique, mais surtout de faire valoir leurs argumentaires quant aux solutions qu'il faudra préconiser pour transcender l'impasse politique actuelle. L'objectif étant de rapprocher les points de vue des uns et des autres dans le but de synthétiser les propositions pour arriver à une plateforme consensuelle, d'une part, et, d'autre part, de dégager une feuille de route et d'arrêter un agenda de travail. Cette rencontre se veut une nouvelle forme de médiation pour enclencher un dialogue souverain à même d'accompagner les aspirations et les revendications du peuple sans exclusive. En ce sens, deux tendances se sont dégagées à l'issue des interventions des participants, dont celle qui a prévalu tout au long des discussions, en l'occurrence la consécration d'une transition politique qui permettrait de marquer une rupture totale avec le régime et le système politiques actuels, de réviser la loi fondamentale et la loi électorale avant d'aller vers une élection présidentielle plurielle et transparente pour bâtir une deuxième république. "Le FFS est favorable à un processus constituant qui placera le peuple algérien au cœur de toutes les décisions politiques. C'est à lui de choisir en toute liberté et en toute quiétude sa prochaine Constitution et ses futurs représentants", a déclaré Mohamed Hadj Djilani, ex-premier secrétaire national du FFS. La même tendance s'est dégagée chez le parti de Mohcine Belabbas. "Comme vous le savez, le RCD n'est pas pour une constituante d'entrée pour toutes les raisons que nous avons exposées dans notre feuille de route du 27 mars 2019. Nous sommes pour une période de transition gérée par des organes qui transformeront l'environnement institutionnel pour concrétiser la rupture, permettre l'expression de la souveraineté et garantir les principes fondamentaux et universels de liberté, de démocratie, de justice et d'alternance par la voie des urnes. Partant de là, les instruments et les mécanismes doivent et peuvent faire l'objet de discussions pour trouver un consensus", a affirmé Mohamed Khendek, secrétaire national aux affaires avec les institutions. Le président du parti UDS, non agréé, Karim Tabbou, a estimé que "la situation exige des initiatives sérieuses, des médiations capables de porter les revendications du peuple algérien. Le pouvoir n'a l'intention de mener ni le dialogue ni les négociations. Le pouvoir dialogue avec lui-même". De son côté, le chef de file du parti Ennahda, Abdallah Djaballah, a indiqué que "le dialogue devra revêtir un caractère global et souverain. On ne veut pas de dialogue qui consiste à dire que l'issue de sortie de crise est l'élection d'un président de la République". Pour sa part, Ramdane Youcef Taâzibt, membre de la direction du PT, dira que "certains veulent réduire l'issue de sortie de crise à la seule personne du président de la République, comme si le problème était déjà diagnostiqué, alors que c'est tout le système qui doit partir ! Au PT, nous pensons que la constituante est la solution appropriée pour laisser émerger de nouvelles institutions et un nouveau système politique".
FARID BELGACEM
Mohamed Khendek (RCD) "L'élection présidentielle ne peut être régulière actuellement" "Aucune élection présidentielle ne peut être régulière dans le cadre de l'environnement institutionnel actuel avec un chef de l'Etat, par ailleurs illégitime et illégal, un gouvernement et un personnel politique qui ont fait campagne pour la continuité du système Bouteflika, qui sont toujours aux commandes et qui ont la mainmise sur toutes les ressources de l'Etat (argent, médias, organes de répression, pourvoir de nomination, de révocation...)." Mohamed Hadj Djilani (FFS) "Une transition fidèle aux attentes populaires" "Les processus qui conduiraient à l'avènement de la 2e république sont nombreux et variés. L'essentiel est de s'entendre sur le principe incontournable et indiscutable du changement radical du régime et sur la nécessité d'amorcer une transition démocratique qui soit la plus fidèle aux attentes populaires. Le FFS est favorable à un processus constituant qui placera le peuple algérien au cœur de toutes les décisions politiques." Ramdane Youcef Taâzibt (PT) "C'est au peuple de choisir ses institutions" "C'est au peuple de prendre son destin en main. Mettre une nouvelle Constitution n'est pas la solution, car ce sera de la vente concomitante. C'est au peuple de choisir ses institutions, car la révolution revêt un aspect politique lié à la démocratie, aux libertés, à la justice et à beaucoup d'autres volets socioéconomiques. À notre avis, il faudra consacrer une constituante pour une meilleure représentativité nationale pour recouvrer la souveraineté du peuple." Abdallah Djaballah (Ennahda) "Le dialogue doit répondre aux choix du peuple" "Dès le départ, nous avons refusé de dialoguer avec le panel, car le dialogue doit être global et souverain, basé sur le respect des différences et des choix sans exclusive. Le dialogue doit répondre aux choix du peuple et non le contraire, car c'est de là que découlera la légitimité du pouvoir et des institutions de l'Etat pour consacrer l'unité nationale. Dans notre parti, on s'attache aux principes dégagés dans la plateforme d'Aïn Benian." Nacer Djabi (universitaire et activiste politique) "Identifier d'abord les priorités" "Aujourd'hui, l'essentiel est de rapprocher les points de vue de tout un chacun pour être au même niveau que le hirak et d'identifier les priorités des forces politiques nationales pour savoir exactement ce qu'elles voudraient faire et éviter de s'effriter devant un système qui refuse le dialogue. Car, le hirak a bien su s'organiser, s'exprimer et il incarne une maturité politique. Du coup, nous avons des prémices et des indices forts pour éviter les conflits idéologiques et culturels qui risquent de nous diviser." Mustapha Bouchachi (avocat et militant des droits de l'homme) "Cette initiative est une réponse au panel" "L'initiative d'aujourd'hui est une réponse au panel de dialogue, parce que je considère que les conditions du dialogue et les garanties ne sont pas réunies. Cette rencontre est un premier pas et constitue un succès de la société civile. Le fait de regrouper autant de partis politiques, de syndicats, de personnalités nationales et d'autres organisations est un signal positif pour chercher ensemble les solutions pour une issue de sortie de crise."