La Tunisie attend toujours la formation d'un nouveau gouvernement, mais la classe politique demeure partagée entre ceux qui réclament un gouvernement de technocrates et ceux qui conditionnent leur participation à un exécutif dirigé par Ennahdha. Les concertations pour la formation du nouveau gouvernement en Tunisie buttent sur de nombreuses difficultés, après un mois des législatives qui ont donné le mouvement islamiste Ennhdha en tête des résultats, mais sans la majorité, avec 52 sièges sur les 217 sièges au total à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Alors que de nombreuses voix appellent à la formation d'un gouvernement de technocrates pour sortir le pays de l'impasse économique et sociale, d'autres pensent que le prochain chef de l'Exécutif devrait être une personnalité indépendante. Mais Ennahdha, en tant que gagnant aux législatives d'octobre dernier, estime que la chefferie du gouvernement lui revient de droit, selon ce qui est énoncé par la Constitution. Le parti dirigé par Rached Ghannouchi se dit toutefois prêt à nouer des alliances qui éviteraient à la Tunisie de refaire le scrutin. Jeudi, le parti Al-Chaâb a réaffirmé son refus de nommer un membre d'Ennahdha à la tête du gouvernement, actuellement dirigé par le malheureux candidat à la présidentielle du 15 septembre, Youssef Chahed. Al-Chaâb aurait proposé, selon un communiqué du parti islamiste, la formation d'un "gouvernement du président" Kaïs Saied, candidat indépendant se disant antisystème et successeur du défunt président Béji Caïd Essebsi, décédé le 25 juillet dernier à l'âge de 92 ans. Néanmoins, Al-Chaâb affirme étudier la proposition formulée vendredi dernier par Ennahdha dans un document qu'il a proposé à tous les partis pour éviter un blocage politique périlleux pour cette démocratie naissante dans le Maghreb. Le dirigeant du parti Courant démocratique, Mohamed Hamdi, a affirmé lui aussi son rejet d'un Premier ministre issu des rangs d'Ennahdha, dans un communiqué rendu public jeudi et repris par l'agence de presse officielle TAP. Le Courant démocratique a annoncé également qu'il est sur le point de sceller une alliance avec le mouvement Al-Chaâb pour former un bloc parlementaire de 38 députés. Les deux partis ont obtenu, respectivement, 22 et 16 sièges. Qalb Tounès, le parti de Nabil Karoui, écarte lui aussi une éventuelle alliance avec Ennahdha, affirmant par la voix d'un de ses membres que sa place était dans l'opposition. Ce parti est arrivé en deuxième position aux dernières législatives avec 38 sièges. Qalb Tounès réclame lui aussi un gouvernement de technocrates pour diriger cette nouvelle phase dans le processus de transition en Tunisie et qui est surtout d'ordre économique et social. "L'urgence pour nous, poursuit ce responsable, est de trouver une solution pour le pays, former un gouvernement d'union nationale, autour d'un programme qui donne la priorité à la lutte contre la pauvreté et à la crise sociale", a affirmé mardi dernier un proche de Karoui. Pour rappel, Ennahdha doit obtenir 109 voix au Parlement pour pouvoir former un gouvernement. Le parti islamiste a encore un mois supplémentaire devant lui pour former un nouveau gouvernement. Mais la mission s'avère déjà compliquée, voire impossible à réaliser au vu des refus qui se multiplient et des conditions posées par certains partis au sujet de certains portefeuilles ministériels, notamment ceux de souveraineté, qu'Ennahdha n'est pas près de lâcher.