L'année 2019 a été marquée, dès son deuxième mois, par une inédite insurrection populaire contre le régime. Un mouvement pacifique, au long souffle, mais qui a fait des dizaines de victimes collatérales : des activistes et des manifestants incarcérés pour des publications sur les réseaux sociaux, déclarations publiques et … le port de l'emblème amazigh ou d'une pancarte. Les chefs d'inculpation sont récurrents : atteinte à l'unité nationale, atteinte au moral de l'armée, incitation à attroupement non armé, outrage à personnalité de l'Etat et distribution de documents de nature à nuire à l'intérêt national. Globalement, les accusations reposent sur les dispositions des articles 76, 79 et 96 du code pénal. Rétrospective sur une longue série d'arrestations et d'emprisonnements. Le 8 mai 2019, Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, est convoquée au tribunal militaire de Blida pour être auditionnée sur sa rencontre avec Saïd Bouteflika et l'ancien patron du DRS, le général à la retraite Mohamed Mediène. Elle est placée sous mandat de dépôt, puis condamnée, quelques mois plus tard, à 15 ans de peine privative de liberté pour "complot contre l'autorité de l'Etat et celle de l'armée". C'est la première détenue politique, qui a bénéficié d'un large mouvement de soutien, intra-muros et à l'étranger. Le 12 mai, le général à la retraite Hocine Benhadid, 73 ans, est placé en détention provisoire à la prison d'El-Harrach. Il lui est reproché la publication dans un quotidien national d'une lettre ouverte adressée au général de corps d'armée, le défunt Ahmed Gaïd Salah. Le général à la retraite Ali Ghediri, candidat à l'élection présidentielle du 18 avril avortée, est incarcéré le 12 juin pour "divulgation de documents à des puissances étrangères". La communication sur son cas est plutôt parcimonieuse. Son procès n'est pas encore programmé. À partir du 21 juin, les mandats de dépôt sont ordonnés en cascade contre des manifestants portant l'étendard amazigh. L'ex-chef du commandement militaire l'avait formellement interdit quelques jours plus tôt dans un discours menaçant. Toutes les juridictions du pays ont prononcé la relaxe contre les prévenus et la restitution de la bannière amazighe, à l'exception des magistrats du tribunal de Sidi M'hamed à la rue Abane-Ramdane, qui ont prononcé jusqu'alors, quelque quarante condamnations à une année de prison ferme dont six mois avec sursis et à six mois de prison ferme assortie d'une amende de 20 000 DA. La Cour d'Alger a réduit, à l'issue du procès en appel, la période de détention de moitié. Après avoir purgé la peine infligée, les premiers 13 prisonniers ont quitté les cellules carcérales le lundi 23 décembre. Ils seront suivis par un deuxième groupe le mercredi, puis la levée d'écrou sur l'étudiant Smaïl Chebili dimanche, et enfin la remise en liberté, hier, de quatre autres dont Samira Messouci. Des vendeurs de pin's et des porteurs de pancartes revendicatrices écopent de peines de prison, également. L'étudiante de 22 ans, Yasmine Nour-Houda Dahmani y passera 60 jours. Le vieux maquisard Lakhdar Bouregâa entre au centre pénitentiaire d'El-Harrach le 30 juin. Malgré son âge avancé (86 ans), son passé de révolutionnaire et son état de santé fragile, toutes les demandes de liberté provisoire sont rejetées. Il en est de même pour le président de l'UDS (parti non agréé) Karim Tabbou et les activistes Samir Belarbi et Fodil Boumala. Personnalités visibles dans le mouvement citoyen, ils sont en détention depuis plus de 3 mois. Septembre marque d'ailleurs un tournant dans la stratégie du pouvoir, qui procède alors à des arrestations ciblées. Le fondateur du RAJ (Rassemblement Actions Jeunesse) Hakim Addad, son président Abdelouahab Fersaoui, son SG Karim Boutata et de nombreux militants actifs sont derrière les barreaux. Le bédéiste Abdelhamid Amine, connu sous le pseudonyme Nime, est condamné à une année de prison dont 3 mois fermes, en ce mois de décembre à cause de ses caricatures jugées subversives. La garde à vue de Brahim Djouadi avec son fils de 3 ans dans un commissariat à Mostaganem a soulevé un tollé d'indignation. Le jeune homme, en détention, est en attente de son procès. Brahim Laâlami, hirakiste à Bordj Bou-Arréridj, brutalisé, selon ses avocats, par la police, a choqué également l'opinion publique. Il purge sa condamnation. Malgré la forte et persistante mobilisation pour la libération des détenus politiques, la vague des incarcérations se poursuit à une cadence régulière. Des citoyens, ayant chahuté les meetings électoraux des candidats à la présidentielle et ceux qui ont manifesté contre la tenue du scrutin le 12 décembre, sont privés de leur liberté. Le jour de l'investiture du président élu, Abdelmadjid Tebboune, Nour Houda Oggadi, étudiante, est placée sous mandat de dépôt à Tlemcen pour atteinte à corps constitués et à l'unité nationale. Mohamed Tadjadit, poète de 25 ans, est condamné, par le tribunal de Sidi-M'hamed à 18 mois de prison ferme pour une accusation similaire. Le lendemain, Kadour Chouicha, vice-président de la Laddh, écope d'une année d'emprisonnement à Oran. Des journalistes ne sont pas épargnés. Deux d'entre eux sont sous mandat de dépôt (Sofiane Mekachi et Abdelmoundji Khelladi), plusieurs autres soumis au contrôle judiciaire, dont Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du journal régional Le Provincial (Constantine).