Près de 700 000 personnes ont fui l'offensive militaire lancée en décembre 2019 par le gouvernement syrien et son allié russe dans la région d'Idleb, où vivent plus de trois millions d'habitants. Le ton est monté hier entre Ankara et Moscou, après plusieurs jours marqués par des combats meurtriers entre forces turques et syriennes dans la province rebelle d'Idleb (Nord-Ouest) qui ont provoqué la mort de 14 soldats turcs dans des bombardements des forces de Bachar al-Assad, soutenues par la Russie. Ankara ne respecte pas les accords russo-turcs pour un cessez-le-feu en Syrie et ne fait rien pour "neutraliser les terroristes" dans la région rebelle d'Idleb, a accusé hier le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Evoquant les accords de Sotchi conclus entre les deux pays, il a expliqué que la Turquie avait "l'obligation de neutraliser les groupes terroristes", mais que "tous ces groupes bombardent les troupes syriennes et mènent des actions agressives contre les installations militaires russes". "Cela est inacceptable et va à l'encontre des accords de Sotchi", a poursuivi le porte-parole de Vladimir Poutine. Il a dans le même temps dédouané les forces syriennes, qui frappent, selon lui, "les terroristes et non les civils". Idleb fait théoriquement l'objet d'un accord de "désescalade" entre Ankara et Moscou, mais la Turquie y a considérablement renforcé sa présence militaire. Le gouvernement syrien et la Russie, de leur côté, ont enregistré des gains face aux groupes terroristes ces dernières semaines, qu'Ankara soutient ouvertement depuis des années. Adressant une rare critique envers la Russie, M. Erdogan l'a accusée hier de "massacres" et dénoncé pendant un discours "les promesses qui ne sont pas respectées". Un accord conclu entre Ankara et Moscou dans la station balnéaire russe de Sotchi prévoyait la cessation des hostilités à Idleb et le départ des groupes terroristes de la région. Mais ces derniers l'ont violé dès les premiers jours en bombardant des positions de l'armée syrienne en dehors de la zone tampon et en refusant de quitter cette province. Après quelques semaines d'attente, ne voyant aucun progrès, l'armée syrienne a décidé de reprendre le chemin de la reconquête de cette province, dernier bastion des groupes terroristes proches d'Al-Qaïda, bénéficiant de l'aide russe dans cette offensive qui dure depuis des mois. Réagissant à cette montée des tensions, l'Union européenne a alerté contre un éventuel et périlleux face-à-face militaire entre Ankara et Moscou en Syrie, craignant entre autres un retour du flux de réfugiés syriens vers l'Europe. "Nous assistons à des affrontements entre le régime syrien et les forces turques, sans compter le risque de voir les militaires turcs et russes s'affronter", a souligné le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, lors d'un discours mardi soir au Parlement européen, dont le texte a été publié hier par ses services. "Ces tensions pourraient à leur tour déclencher un conflit régional plus large", a-t-il averti. "Le cessez-le-feu convenu entre Ankara et Moscou doit être appliqué", a-t-il plaidé. Josep Borrell devait participer hier soir à une réunion des ministres de la Défense de l'Otan au siège de l'Alliance à Bruxelles. La Turquie est membre de l'Otan, et ses actions en Syrie et en Libye gênent nombre de ses partenaires.