C'est aux cris de "Dawla madania, machi âaskaria" (Pour un Etat civil et non militaire) que s'est achevé très tard, dans la nuit de dimanche à lundi, le procès tant attendu de l'activiste et intellectuel Fodil Boumala. Au terme de près de quatorze heures de plaidoiries d'une quarantaine d'avocats venus de plus d'une trentaine de wilayas, le juge a décidé de mettre l'affaire en délibéré : le verdict est attendu pour le 1er mars prochain. Pourtant, rien ne laissait présager cette décision du juge, d'autant que le dossier péchait par l'absence de preuves pouvant étayer les lourdes accusations retenues contre Fodil Boumala, à savoir "atteinte à l'unité nationale" et "diffusion de publications pouvant attenter aux intérêts du pays", comme l'ont relevé à l'unanimité les avocats. "Djazaïr horra, démocratia", ont réagi, dès le prononcé de la décision, les nombreux présents au procès dont d'ex-détenus, des hommes politiques ou encore de simples citoyens. Pendant plus d'une heure, il a régné comme un air "révolutionnaire" dans l'enceinte du tribunal, mais aussi à l'extérieur. Tous les slogans du hirak ont été passés en revue par les présents. Fait inédit dans les annales, on n'a pas hésité à applaudir les "envolées lyriques" de Fodil Boumala, dont la plaidoirie magistrale confondant jusqu'à la caricature le régime, a, d'un commun accord, fait sensation. "Les avocats, bravo âalikoum, El-Djazaïr teftakher bikoum" (avocats, vous êtes la fierté de l'Algérie), "Dawla wlad lehram, yasqatt ennidham" (pouvoir retors, que chute le régime), "Djaïbine el-houria" (nous arracherons la liberté) ou encore "Libérez Boumala" et "Hna wlad Amirouche, marche arrière manwelouche" (nous ne reculerons pas) ont retenti longuement dans les travers du tribunal, mais également à l'extérieur de l'immense édifice jusqu'à une heure tardive de la nuit. "Boumala n'a commis aucun délit, c'est un militant depuis des années au service des libertés des Algériens ; ce sont ceux qui adoptent la loi sur le gaz de schiste qui portent atteinte aux intérêts du pays", a réagi Me Bouchachi dans des déclarations aux journalistes. "Boumala a dénudé le régime, il a démontré que son combat est celui des citoyens. L'affaire de Boumala est l'affaire de la justice qui doit être indépendante. C'est l'affaire de tous les Algériens épris de justice. Le régime voulait juger Boumala, mais celui-ci était plus grand que lui. C'est un procès de l'intelligence. Il restera dans les annales. On aurait aimé qu'il le libère, car il est innocent", a estimé, pour sa part, Samir Belarbi. "C'était un procès du régime, il (Boumala, ndlr) a mis à nu les pratiques du régime, le système judiciaire, le système politique. C'est un procès qui sera inscrit dans l'histoire, car Boumala a dit que l'Algérie mérite des sacrifices et qu'elle doit se libérer des clans", souligne, de son côté, Me Abdelghani Badi. Tout en se gardant bien d'anticiper sur la décision, beaucoup s'attendent à ce qu'il soit libéré au regard du réquisitoire du parquet. "Logiquement, il va être libéré, mais vous savez bien qu'il y a beaucoup de cercles de décision qui interfèrent", souligne un avocat.