L'Algérie avait averti depuis longtemps contre la multiplication des initiatives de dialogue qui diluent le véritable dialogue libyen-libyen et dont on voit aujourd'hui les résultats. Les Etats-Unis et la Turquie seraient sur le point de lancer une initiative politique commune sur la Libye, a affirmé, lundi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dans un entretien qu'il a accordé à la télévision locale TRT. M. Erdogan, dont le pays est impliqué militairement en Libye aux côtés du Gouvernement d'union nationale (GNA) à Tripoli, a évoqué une "possible initiative" qui pourrait être lancée par Ankara et Washington, sans fournir d'autres détails. Cette annonce a été faite suite à un appel téléphonique lundi entre M. Erdogan et son homologue américain, Donald Trump, à l'issue duquel "les deux dirigeants sont convenus de poursuivre leur coopération étroite pour promouvoir la paix et la stabilité en Libye, voisin maritime de la Turquie", a indiqué la présidence turque. Au cours de cette conversation, les deux chefs d'Etat "sont parvenus à des accords", a souligné M. Erdogan, ajoutant que les derniers "développements ont montré que Haftar pouvait être exclu du processus de paix à tout moment". Cette annonce semble venir en réponse à la récente initiative politique égyptienne sur la Libye, que le président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi avait annoncée samedi sous l'appellation de "Déclaration du Caire" et que la Turquie a ouvertement rejetée. La Déclaration du Caire propose un cessez-le-feu en Libye et une reprise du dialogue, tout en suggérant l'élection d'un nouveau Conseil présidentiel par des Libyens divisés en deux parties, l'une soutenant le GNA et l'autre appuyant Khalifa Haftar, bras armé des autorités parallèles de l'est du pays, où est aussi basé le Parlement élu, et exilé à Tobrouk, sous la direction d'Aguila Salah. Le GNA a rejeté en bloc cette initiative du Caire qu'il a qualifiée de tentative de sauvetage de Haftar, qui n'a pas cessé depuis deux mois de perdre du terrain dans la quasi-totalité de l'ouest du pays, où il a vainement tenté de prendre le contrôle de la capitale Tripoli depuis le 4 avril 2019. En tant que membre de l'Alliance atlantique, la Turquie bénéficie d'un soutien tacite des Etats-Unis qui sembleraient avoir lâché Haftar, en raison du soutien du rival russe de Washington dont il bénéficie dans sa guerre contre le GNA. La complexité des équilibres géopolitiques a compliqué davantage cette crise en Libye. Les soutiens extérieurs d'un camp au détriment d'un autre ne facilite en aucun cas le retour à la table des négociations, comme le souhaite une partie de la communauté internationale, qui dénonce la persistance des ingérences étrangères et les violations continues de l'embargo onusien sur les armes en Libye depuis son instauration en 2011. Depuis l'annonce samedi par l'Egypte d'une nouvelle initiative politique sur la Libye, appels téléphoniques, rencontres et communiqués se sont multipliés sur la scène régionale et internationale, entre soutien et rejet de la Déclaration du Caire qu'a proposée le président Abdel-Fattah al-Sissi. Sans la rejeter expressément, l'Algérie affirme avoir "pris acte" de cette initiative, réitérant son principe de positionnement à équidistance entre les parties libyennes en conflit, tout en rappelant l'urgence d'engager un véritable dialogue interlibyen, inclusif, dans le cadre fixé par les Nations unies et loin de toute ingérence étrangère. Lundi, le président de la République a reçu l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, John P. Desrocher, avec lequel il a discuté de la situation en Libye, a indiqué un communiqué laconique de la présidence. Dans le même temps, le chef de la diplomatie, Sabri Boukadoum, s'est entretenu sur le même sujet avec ses homologues libyen, tunisien, égyptien et saoudien, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères. La chancelière allemande, Angela Merkel, a échangé aussi par téléphone avec le chef d'Etat égyptien sur l'initiative du Caire, a rapporté l'agence Reuters, sans d'autres détails, concernant surtout la position de Berlin qui a eu déjà à abriter une conférence internationale sur la Libye, le 19 janvier dernier. Cette conférence avait accouché d'une déclaration finale, dont les recommandations avaient bénéficié de l'appui du Conseil de sécurité de l'Onu une semaine plus tard, avec en prime le lancement d'un dialogue à Genève, dans le cadre d'un "Comité militaire 5+5", interrompu dès sa deuxième session. Pour rappel, plusieurs autres initiatives politiques (Abou Dhabi, Paris, Palerme en Italie, Moscou) ont été initiées depuis ces trois dernières années, mais aucune n'a eu les résultats attendus. L'Algérie, par la voix de l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, avait averti contre la multiplication de ce genre d'initiative qui dilue le véritable dialogue libyen-libyen, et dont on voit aujourd'hui les résultats. Lyès Menacer