9 personnes suspectées d'avoir eu la volonté de commettre des attentats en France ont été arrêtées, hier, dans la région parisienne, tandis que 11 autres ont été interpellées à Milan. Il s'appelle Safé Bourada. Il est algérien et vit en France. Il a la particularité d'avoir côtoyé de près les principales figures du GIA en France. Ce qui lui a valu dix ans de prison. Après sa sortie, le GIA est laminé. À sa place, le GSPC tente encore de porter la cause en s'inscrivant dans une stratégie internationaliste. C'est presque naturellement que Bourada a offert ses services sans savoir qu'il était sous le regard vigilant de la police française qui l'a filé avant de procéder hier matin au démantèlement du réseau. Neuf personnes ont été arrêtées dans la région. Sept d'entre elles “sont soupçonnées d'avoir eu la volonté de commettre des attentats en France”. Elles appartiennent à la mouvance du GSPC. Cette opération intervient une semaine après une autre opération antiterroriste en France pendant laquelle six hommes, soupçonnés de vouloir organiser une filière d'envoi de djihadistes en Irak, avaient été interpellés. Tous ont été libérés après quatre jours de garde à vue. Selon une source proche de l'enquête, le chef de la cellule démantelée lundi est Safé Bourada, condamné en 1998 à dix ans d'emprisonnement pour son soutien logistique à la vague d'attentats qui avait frappé la France en 1995, dont le plus meurtrier avait fait 8 morts et 117 blessés à la station du RER (train régional) Saint-Michel à Paris. Il était sorti de prison en 2003. Il avait permis en 1996 aux enquêteurs français d'identifier un homme, Ali Touchent alias Tarek, soupçonné d'avoir été au cœur de tous les attentats du GIA algérien en Europe au milieu des années 1990, mais jamais arrêté. Touchent a été tué dans une opération de la police dans un hôtel de la rue Tanger à Alger, mais son identification n'avait pu se faire que plusieurs mois après. Une mission de la police s'était d'ailleurs rendue pour un relevé d'empreintes génétiques. Selon les enquêteurs, Safé Bourada connaît l'Algérien Rachid Ramda, accusé d'être le financier des attentats de 1995. Ramda, 35 ans, dit Abou Farès, est détenu en Grande-Bretagne depuis 1995 et évite depuis son extradition vers la France en utilisant les recours offerts par la loi britannique. La demande française sera examinée le 14 octobre par la justice britannique. Les enquêteurs ont quatre jours pour interroger les suspects, qui ont été conduits dans les locaux des services de contre-espionnage français (DST), pendant que leurs domiciles étaient perquisitionnés. L'opération a eu lieu dans le cadre d'une information judiciaire menée par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, ouverte en juillet 2005 pour “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste” et “détention de faux documents administratifs, usurpation d'identité, port d'armes de première catégorie, extorsion de fonds, le tout en relation avec une entreprise terroriste”. L'enquête avait débuté en février 2003 avec la surveillance de Safé Bourada à sa sortie de prison. À l'été 2005, elle a progressé à la faveur de “renseignements de l'étranger” et de l'interpellation fortuite à Paris d'une équipe qui venait de braquer une prostituée marocaine. Les malfaiteurs étaient liés à “des anciens du GIA” algérien, dont le GSPC est issu. Depuis les attentats de Londres en juillet, les responsables de l'antiterrorisme insistent sur le fait que la France n'est pas à l'abri et identifient le GSPC comme le risque principal. Les services antiterroristes français ont déjoué ces dernières années plusieurs projets d'attentats, dont l'un en marge du Mondial de football de 1998 et d'autres qui visaient Strasbourg (Est), émanant d'anciens combattants de Tchétchénie. Le coup de filet de lundi intervient alors que le ministre de l'Intérieur présentait les grandes lignes d'un projet de loi antiterroriste qui vise à durcir les textes existants afin, par exemple, de mieux contrôler les conversations au téléphone ou sur internet. Le projet préconise notamment un développement de la vidéo-surveillance dans les lieux publics, mais aussi aux abords immédiats de lieux privés comme les lieux de culte et certains commerces. Si le texte est adopté, le contrôle des déplacements vers des pays “à risques” et celui des échanges téléphoniques ou via internet seront renforcés. “En raison de l'anonymat qu'ils garantissent, les cybercafés feront l'objet d'une attention particulière”, a-t-on expliqué de mêmes sources. Les peines de prison maximales seraient alourdies : 30 ans au lieu de 20 pour les dirigeants de groupes terroristes et 20 ans au lieu de 10 pour les membres du réseau. Tout condamné français d'origine étrangère pourrait se voir déchoir de sa nationalité pendant un délai de quinze ans après sa naturalisation. Les enquêteurs antiterroristes se verraient aussi opposer moins de contraintes dans les accès à divers fichiers (immatriculation, passeport, titre de séjour, etc.) et à des informations détenues par les compagnies de transport aérien, ferroviaire ou maritime. Anticipant les critiques que ces mesures risquent de susciter sur des restrictions aux libertés individuelles, les défenseurs du texte assurent que de nombreux garde-fous ont été prévus. Ainsi, outre le rôle dévolu à la Cnil, une “clause de rendez-vous” prévoit que “les dispositions les plus sensibles ne seront votées que pour trois ans”. En 2008, le Parlement décidera de les conserver ou non. C'est notamment le cas pour la simplification des contrôles dans les trains transnationaux, de l'accès aux fichiers, et de l'obligation pour les fournisseurs d'accès (téléphonie et internet) de transmettre les données de transmission. L'autorisation d'installer des caméras aux abords de certains magasins devra être renouvelée tous les cinq ans, “ce qui permettra de supprimer le matériel qui ne s'avérera plus indispensable”. Ce texte doit mettre la France en conformité avec certaines obligations internationales. Ainsi, la fourniture d'informations sur leurs usagers (nom, téléphone, adresse, etc.) par les compagnies de transport est prévue par une directive européenne prise après les attentats de Madrid du 11 mars 2004. Washington l'exige déjà. En tout cas, le texte a été présenté très opportunément le jour d'une importante opération contre les réseaux terroristes. Pour sûr qu'il ne passera pas inaperçu. Y. KENZY