21 jours après les nouveaux pics de contamination à Oran, les personnels soignants de cette unité Covid-19 ont tous le visage marqué, les yeux cernés et l'épuisement se lit dans leur regard. La réalité dramatique et urgente de l'épidémie de Covid-19 est aujourd'hui visible à l'unité de tri et de réa-Covid-19, installée dans les locaux de la crèche de l'établissement hospitalier universitaire (EHU) 1er-Novembre d'Oran, à l'écart des autres services de soins. Et pour mieux comprendre ce qui se déroule souvent loin des regards, c'est le témoignage poignant de deux chefs de service, professeurs en réanimation, qui en sont arrivés à lancer un cri de détresse à la population : "Après 21 jours d'activité intense, résultat du relâchement, nous sommes épuisés, nous n'en pouvons plus, nous n'arrivons plus. Il y a quelques heures à peine, un malade est mort ici devant la porte, nous n'avons même pas eu le temps de le sortir du véhicule. Croyez-vous que nous ne sommes pas touchés par cela ? Croyez-vous que nous et sa famille acceptons cela ?... Non !" Des scènes qui se répètent aujourd'hui provoquant, parfois, des réactions violentes chez les proches des malades. L'autre professeur de réanimation prend à son tour la parole : "Nous demandons aux citoyens de respecter les mesures de prévention, c'est la seule chose qui nous sauvera." Et de lâcher : "Vous aimez la vie ? Vous voulez vivre ? Alors de grâce, appliquez juste ces mesures, c'est très simple : le port du masque que vous pouvez coudre vous-mêmes avec un bout de tissu vous protégera à 95%. Si vous n'avez pas de gel hydroalcoolique, alors lavez-vous les mains au savon à chaque fois que c'est possible et respectez la distanciation physique. Nous ne nous en sortirons jamais sans la prévention !" Et en effet, après 21 jours de l'apparition des nouveaux pics de contamination à Oran, les personnels soignants de cette unité Covid-19 ont tous le visage marqué, les yeux cernés et l'épuisement se lit dans leur regard. L'on devine les traits tirés sous les masques. L'activité est intense au vu des va-et-vient des anesthésistes, des résidents, des assistants et des paramédicaux cherchant un consommable, demandant une solution pour un cas sensible, ou venant faire signer un acte de décès. À l'extérieur, des familles attendent des nouvelles d'un proche venu en consultation ou pris en charge en réanimation. Sur la trentaine de lits de l'unité Covid-19, 10 sont des lits de réanimation et tous sont occupés. Le directeur général de l'EHU 1er-Novembre, M. Mansouri, qui nous a reçus dans son bureau, témoigne aussi pour son personnel, souvent décrié et critiqué à tort ou à raison, mais qui travaille dans des conditions très difficiles : "Notre message aujourd'hui est de vous dire que la solution (face à l'épidémie de Covid-19, ndlr) n'est pas dans les hôpitaux, mais dans la prévention, c'est très important." Et de poursuivre : "Aujourd'hui, l'ensemble du personnel, les ressources humaines, est épuisé. Même avec tous les moyens, les soignants sont épuisés, saturés. En plus, ils sont souvent contaminés. Comment les remplacer ? Les redynamiser ?..." En plus de l'unité Covi-19 qui, depuis peu, voit affluer des malades en provenance du Chuo, le directeur de l'EHU s'est vu confier l'utilisation et la gestion médicale du nouvel hôpital de Chtaïbo. "Sur les 224 lits de cet établissement qui n'avait pas été officiellement réceptionné, ce sont 120 lits qui sont utilisés aujourd'hui pour les malades de la Covid-19", déclare notre interlocuteur. "Sur les 120 lits disponibles, nous en exploitons actuellement 90. Ce sont tous des cas sensibles qui nécessitent une assistance respiratoire, souvent des sujets âgés de 60 ans et plus et ayant des pathologies chroniques. Les plus jeunes n'ayant pas de problèmes de santé doivent rester confinés chez eux", nous a-t-on encore expliqué. À l'hôpital de Chtaïbo, ce sont encore 20 lits de réanimation qui ont été installés, et fin novembre, il devrait y en avoir 32 supplémentaires avec des postes d'oxygène indispensable. Car en plus de la recrudescence des cas de contamination, M. Mansouri explique que cette deuxième vague se distingue par la virulence du Covid-19 : "Le virus est bien plus virulent. Avant, sur 4 patients en détresse respiratoire, un seul était entubé, et il mourait dans les 20 jours qui suivaient. Aujourd'hui, sur 4 patients, 3 nécessitent la ventilation non invasive (VNI) et deux décèdent en 48 heures." L'épuisement des personnels de santé, la saturation des services Covid-19, les besoins en lits de réanimation, les moyens pour multiplier les tests PCR, avec la difficulté d'avoir des réactifs, est en train de mettre à genoux l'ensemble de la société, et seule une prise de conscience de la population permettra de surmonter la crise.